Haftar aux Européens : «Sortez votre chéquier et nous stopperons les migrants clandestins»
Par Sadek Sahraoui – Un groupe armé se faisant appeler «Brigade 48» empêche depuis quelques mois des bateaux de migrants de rejoindre les côtes européennes de la Méditerranée au départ de Tripoli, en Libye. Composé de plusieurs centaines de civils, mais aussi de policiers et de membres de l’armée libyenne, ce groupe mène une campagne très forte contre les départs de migrants. Selon des sources locales de Sabratha, qui suivent de près les activités de contrebande dans la région et citées par l’agence Reuters, celle-ci aurait été initiée par un «ancien chef de la mafia».
Le groupe armé, qui œuvre dans les terres comme sur la plage, empêcherait tout particulièrement les bateaux de migrants de partir vers l’Italie. L’action de ce groupe armé aurait contribué à la réduction de 50% en juillet des flux de migrants clandestins venus d’Afrique du Nord à destination de l’Italie. De son côté, la marine libyenne avait annoncé début août la création d’une zone de recherche et de sauvetage le long de son territoire, interdit aux navires étrangers, sauf s’ils obtiennent l’accord des autorités. Cette mesure avait d’ailleurs poussé de nombreuses ONG humanitaires à agir à proximité des côtes libyennes.
L’homme fort de l’Est libyen, Khalifa Haftar, s’est également dit prêt à participer à la lutte contre l’immigration clandestine, mais à la condition seulement que l’Union européenne mette la main à la poche. Le maréchal Haftar estime à 20 milliards de dollars sur 20 ou 25 ans l’effort européen nécessaire pour aider à bloquer les flux de migrants à la frontière sud du pays.
«Le problème des migrants ne se résoudra pas sur nos côtes. S’ils ne partent plus par la mer, nous devons les garder chez nous et cela n’est pas possible», a-t-il expliqué dans un entretien au quotidien italien Corriere della Sera publié la semaine dernière. «Nous devons, au contraire, travailler ensemble pour bloquer les flux sur 4 000 kilomètres à la frontière désertique libyenne du sud. Mes soldats sont prêts. Je contrôle plus des trois quarts du pays. Je possède la main-d’œuvre, mais il me manque les moyens», poursuit le chef de l’Armée nationale libyenne (ANL).
«(Le président français) m’a demandé ce dont on a besoin, je suis en train de lui envoyer une liste», précise le maréchal Haftar. Dans la liste figureront «des formations pour les garde-frontières, des munitions, des armes, mais surtout des véhicules blindés, des jeeps pour le sable, des drones, des détecteurs, des lunettes de vision nocturne, des hélicoptères».
Le commandant en chef de l’ANL a ajouté qu’il souhaitait installer des campements mobiles de 150 hommes au minimum tous les cent kilomètres. Un vaste programme qu’il estime à «environ 20 milliards de dollars (soit près de 17 milliards d’euros) sur 20 ou 25 ans pour les pays européens unis dans un effort collectif».
A titre de comparaison, «la Turquie prend six milliards (à Bruxelles) pour contrôler un nombre infiniment inférieur de réfugiés syriens et quelques Irakiens», a-t-il fait remarquer, avant d’ajouter : «Nous, en Libye, nous devons contenir des flux gigantesques de personnes arrivant de toute l’Afrique.» Depuis le renversement par l’Otan de Mouammar Kadhafi en 2011, le pays est divisé et en proie à une grande instabilité, dont profitent des trafiquants pour faire passer chaque année des dizaines de milliers de migrants à destination de l’Europe, en leur demandant d’importantes sommes d’argent.
S. S.
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