Morosité
Par Kamel Moulfi – La fête de l’Aïd est d’habitude bien plus joyeuse, qu’est-ce qui a pris aux Algériens d’afficher pour beaucoup d’entre eux, au point d’en donner l’image dominante dans le paysage, une mine plutôt triste cette année ? Est-ce le climat maussade, inconvenant pour la circonstance, qui a créé, dès le premier jour, cette ambiance en apparence morose ? Ou alors serait-ce la perspective d’affronter la rentrée sociale qui empoisonnerait l’atmosphère avec les craintes de difficultés sociales à venir, réelles ou supposées ? Un grand nombre de ménages se retrouvent avec un porte-monnaie vidé par les dépenses successives, durant trois mois, d’abord celles imposées par les exigences alimentaires de Ramadhan, puis celles liées aux vacances et, enfin, l’achat du mouton en même temps que les fournitures scolaires, le tout dans une spirale inflationniste qui a érodé leur pouvoir d’achat.
Le facteur politique n’est pas, non plus, négligeable dans la mauvaise humeur qui a enveloppé la fête. La veille de l’Aïd, des médias ont rapporté ce qu’aurait dit à huis clos le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, aux patrons qu’il a réunis pour parler de la tripartite. Son message se voulait alarmiste, tranchant avec celui de son prédécesseur, Abdelmadjid Tebboune, qui s’adressait, lui, à tous les Algériens, au cours de «sa» réunion préparatoire de la tripartite, et que l’on a pu voir et écouter à la télévision, nuancer les choses.
Il disait, en effet, que l’Algérie a les moyens de s’en sortir, allusion à peine voilée aux gisements de dinars que l’Etat peut s’offrir par une simple application de la loi dans la sphère économique privée, sans toucher aux maigres revenus des salariés.
Les Algériens sont passés subitement des «assurances» données ouvertement et directement par Tebboune aux «inquiétudes» discrètement semées par Ouyahia, via des médias. A-t-on besoin, quelque part, d’une certaine dose de psychose sur l’avenir immédiat pour justifier l’annonce de mesures impopulaires, mal venues dans le contexte des élections locales ?
K. M.
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