Faillite d’une génération
Par Rabah Toubal – Autant la génération de Novembre 1954, élite et masse populaire dans toute leur diversité, était éveillée, politisée et bien enracinée dans les tréfonds de notre immense pays et au sein des populations citadines et rurales dont elle partageait quotidiennement «le sucré, le salé et l’amer» (proverbe algérien) et les aspirations vivaces et légitimes à former une nation libre.
Avec les maigres moyens du bord et l’aide diplomatique, militaire et financière, plus ou moins importante, de pays frères et amis, le génie, les efforts et les sacrifices de ses enfants authentiques, elle est parvenue, en moins d’une décennie, à vaincre militairement et diplomatiquement l’une des premières puissances militaires et industrielles du monde, assistée par ses alliés de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan).
Autant la génération suivante, celle de l’indépendance, a lamentablement échoué dans la réalisation des objectifs qu’elle s’est assigné, c’est-à-dire le développement durable de notre pays, dans le cadre des principes, idéaux et valeurs de la glorieuse Révolution algérienne, pour l’édification d’un Etat social, solidaire et juste.
En effet, la cupidité et l’obstination des dirigeants autoproclamés de notre pays, par la force et la fraude massive, qui considéraient de façon éhontée l’Algérie comme le butin d’une guerre qu’ils n’ont pas livrée ou le legs de leurs parents, ne leur ont pas permis de mobiliser leurs compatriotes autour de projets économiques et sociaux destinés à renforcer les différentes institutions et les infrastructures industrielles, économiques et sociales du pays.
En tout état de cause, si l’amateurisme et le populisme d’Ahmed Ben Bella lui ont fait prendre des choix malheureux, le coup d’Etat du 19 juin 1965 du colonel contre ce dernier a définitivement éloigné la jeune RADP du chemin démocratique que ses pères fondateurs souhaitaient ardemment et a plongé l’Algérie dans un trou noir dont elle ne sortira pas de si tôt.
Tandis que les hésitations et bévues monumentales de Chadli Bendjedid ont humainement et économiquement coûté cher à l’Algérie et l’économie de bazar généralisée par Bouteflika, les maux et fléaux graves qu’elle a exacerbés et sa folie du pouvoir ont donné le coup de grâce à la fragile cohésion sociale, en lambeaux aujourd’hui.
Au lieu donc de demander pardon au peuple algérien, constamment méprisé et humilié par un pouvoir imbu de la culture de la force, pour la faillite générale à laquelle leur politique a conduit le pays, malgré ses riches potentiels humains et naturels, les responsables de ce désastre tragique se cramponnent encore indécemment à leurs fauteuils vermoulus et aggravent leur cas déjà désespéré ainsi que le mal-vivre de leurs jeunes et moins jeunes compatriotes, qui ont trouvé dans l’immolation par le feu, la destruction par la drogue et l’abstention lors des différentes élections qui sont organisées périodiquement par le pouvoir et l’émigration clandestine, des palliatifs à leurs drames.
Quant à la génération des protégés, obligés et serviteurs zélés des régimes successifs depuis juillet 1962, elle et ses collaborateurs sont tellement divisés qu’ils sont incapables d’empêcher un président de la République, qui a violé à plusieurs reprises la Constitution du pays pour en faire finalement une djellaba à ses petites mesures de chef de clan et de lui faire appliquer légalement une disposition, l’article 102, en l’occurrence, de sa propre Constitution, et pour sa maladie invalidante, qui le met dans l’incapacité physique, mentale et morale d’assumer ses lourdes charges.
R. T.
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