A qui la faute ?
Par Sadek Sahraoui – Après plusieurs années de faux-fuyants, le gouvernement admet enfin que la situation financière du pays n’est guère reluisante. Connus pour être dépensiers, les Algériens ont tellement consommé et importé que les caisses ont fini par se vider en un temps record. Ahmed Ouyahia, le successeur d’Abdelmadjid Tebboune au poste de Premier ministre, a même confié, mardi après-midi, lors d’une réunion avec les chefs de partis engagés dans le soutien du programme du Président de la République que la situation est telle que l’Etat aurait eu du mal à payer les salaires de ses fonctionnaires du mois de novembre s’il n’avait pas décidé d’amender la loi sur la monnaie et le crédit. La décision permettra, en effet, de fabriquer de la monnaie en suffisance pour assurer le fonctionnement des institutions du pays.
En juillet dernier, Abdelmadjid Tebboune n’avait pas hésité à imputer la responsabilité de la faillite de l’Algérie aux membres du FCE. L’ancien ministre de l’Habitat avait particulièrement chargé Ali Haddad, le président de l’organisation patronale, auquel il avait reproché d’avoir siphonné le gros des avoirs des banques publiques et capté l’essentiel des marchés publics. Au nom de la lutte contre la corruption et de l’orthodoxie économique, de nombreuses voix avaient même réclamé sur un plateau la tête d’Ali Haddad et de ses compagnons du FCE.
Le patronat national a certainement une lourde responsabilité dans l’incapacité de la machine économique nationale à se défaire de la rente et à produire de la richesse. Très peu d’opérateurs se donnent effectivement la peine de produire, d’innover et de se battre pour conquérir des marchés en Algérie ou à l’étranger. Nombreux sont ceux qui se contentent de vivre au crochet de l’Etat providence. Les accuser d’être responsables de l’incapacité de l’Algérie à décoller économiquement ou encore de sa faillite serait faire preuve cependant d’une grande mauvaise foi.
Evidemment, il ne s’agit pas ici de blanchir X ou Y. Le but est plutôt de poser correctement les termes du débat sur la crise. Aussi, s’attaquer aux seuls membres du FCE, organisation dans laquelle siègent également des entreprises publiques et des opérateurs étrangers qui emploient des dizaines de milliers de personnes, payent des impôts et contribuent aux différentes caisses sociales, participe d’une démarche aussi sombre que vicieuse, consistant à éluder les vrais problèmes du pays. Tout fait mine de l’oublier, les problèmes du pays n’ont pas commencé en 2009 ou en 2017.
Le désastre que nous endurons aujourd’hui est le résultat de choix et de politiques désastreux et calamiteux adoptés il y a bien longtemps. Le drame résulte aussi du refus des pouvoirs publics de s’attaquer de front au terrible cancer qui ronge l’Algérie, à savoir l’économie informelle dont le poids est évalué à 100 milliards de dollars. A côté, il faut bien admettre que les membres du FCE font figure de pauvres petits moustiques. Si effectivement la bataille contre la pieuvre de l’informel n’est pas vite menée, il y a tout lieu de s’attendre à ce que toutes les mesures qu’aura à prendre le gouvernement Ouyahia pour juguler la crise auront l’effet d’un coup d’épée dans l’eau.
S. S.
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