Pourquoi l’Algérie boude une rencontre à Londres sur la crise libyenne
Par Sadek Sahraoui – Le ministre britannique des Affaires étrangères, Boris Johnson, a estimé jeudi après-midi que le moment était venu d’organiser des élections en Libye pour mettre fin à l’anarchie politique qui y règne depuis 2011, date du renversement par le couple franco-britannique de Mouammar Kadhafi.
«Est-il prématuré de tenir des élections dans un délai d’un an ? Je pense qu’il pourrait s’agir du bon moment. Les Libyens doivent se préparer à retourner aux urnes en 2018. Il est très important, cependant, de ne pas trop se presser. Il doit y avoir une constitution et une base acceptée pour que ces élections se déroulent», a-t-il déclaré à Londres lors d’une conférence de presse animée conjointement avec le Secrétaire d’Etat américain Rex Tillerson au terme d’une rencontre consacrée justement à la Libye et à laquelle ont pris part des représentants français, italien, égyptien et des Emirats arabes unis.
A l’exception de l’Egypte, aucun autre pays voisin de la Libye n’a pas pris part à cette rencontre. Leur absence est à décrypter comme un refus clair de leur part de cautionner l’événement. A l’instar des poids lourds de l’Afrique, les pays voisins de la Libye sont très attachés à la position de l’Union africaine sur la Libye, qui soutient le plan de règlement de la crise de l’ONU et perçoit la kyrielle d’«initiatives de paix» lancées par certains pays occidentaux comme une forme d’ingérence et de parasitage. Pour beaucoup, ces médiations ne sont que des subterfuges mis en place par les Occidentaux pour veiller sur leurs intérêts et briller au plan diplomatique.
Le président de la Commission de l’Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, avait, d’ailleurs, déclaré à ce propos, la semaine dernière en ouverture d’une réunion du Comité de l’UA sur la Libye à Brazzaville, que «rien n’est plus nuisible à nos efforts de solution de la crise libyenne que la contrariété des agendas et des approches des intervenants». «Je voudrais par la voie la plus audible exprimer la forte opposition de l’Afrique à cette contrariété et à ces dissonances des interventions, approches et agendas extérieurs», a ajouté Moussa Faki, plaidant pour une «meilleure cohésion entre les acteurs internationaux» pour éviter les «dysfonctionnements» et la «cacophonie». Des observateurs avaient interprété ses propos comme une critique voilée envers l’initiative du président Macron, qui avait réuni, à Paris fin juillet, le Premier ministre libyen, Fayez Al-Sarraj, et son rival, le maréchal Khalifa Haftar.
S’agissant de la rencontre elle-même, nos sources indiquent que l’émissaire de l’ONU pour la Libye, Ghassan Salamé, qui y était également présent, a fait le point sur la situation dans ce pays livré au chaos. A l’occasion, il a soutenu la nécessité de mettre en place un solide dispositif législatif pour faire en sorte que le changement que tout le monde demande soit durable.
Selon le Foreign Office, la réunion était destinée à chercher à «surmonter l’impasse politique» en Libye. «Nous espérons mettre l’accent sur la médiation menée par les Nations unies et sur le processus politique, leur donner un nouvel élan pour parvenir à rétablir l’unité en Libye», a confirmé le responsable américain Brian Hook, misant en partie sur le renouvellement des acteurs avec un nouveau Secrétaire d’Etat américain, un nouvel Emissaire de l’ONU et un nouveau Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres. Brian Hook a estimé, en outre, que la Libye est «extrêmement fragmentée, et l’absence de stabilité crée un espace pour les terroristes qui préparent des attaques contre l’Occident». Il a espéré que ce «processus mené par les Libyens» sous la houlette de l’ONU permette d’«éviter une solution militaire».
Khalifa Haftar et Faïz Al-Sarraj, les deux principaux protagonistes de la crise, avaient, rappelle-t-on, déjà promis aussi à Paris, en juillet dernier, de travailler à la tenue d’élections en 2018. Mais, pour le moment, aucun de deux acteurs ne donne vraiment l’impression d’aller dans le sens des engagements pris.
S. S.
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