Noureddine Boukrouh : «Je n’accepte pas la justice non conventionnelle»
Par Hani Abdi – L’ancien ministre et fondateur du PRA, Noureddine Boukrouh, s’élève contre ceux qui veulent le poursuivre en justice pour «atteinte à un symbole de l’Etat», le président de la République en l’occurrence. Dans une nouvelle tribune, il revient donc sur cette «affaire» de poursuites judiciaires auxquelles ont appelé plusieurs hauts responsables politiques du pays.
Estimant qu’il fait l’objet, depuis une quinzaine de jours, d’une «offensive concertée», Noureddine Boukrouh assure qu’il s’attendait en toute logique à ce que «d’un moment à l’autre tombe un communiqué du Parquet annonçant à l’opinion publique plus ou moins préparée (…) l’ouverture d’une procédure judiciaire contre moi dans le but de me faire taire et de casser l’initiative politique que j’ai lancée». Pour lui, dans une affaire judiciaire de ce genre, il y a d’un côté le plaignant (personne physique, morale ou représentée par le ministère public) qui a subi un préjudice moral ou matériel, et de l’autre l’auteur du préjudice.
«L’accusation qui m’est faite repose sur mes écrits où j’envisageais l’hypothèse, au vu de ce qui s’est passé en août dernier (manière dont a été limogé Abdelmadjid Tebboune), que le président de la République ne serait pas seulement malade physiquement, mais aussi mentalement», précise-t-il.
Ainsi, Nourreddine Boukrouh estime que le tribunal qui aura à le juger devra établir si ses déclarations étaient fondées ou non, si elles relevaient du jugement de valeur offensant ou, au contraire, d’un jugement de réalité qu’un citoyen, et a fortiori un homme politique, est en droit d’émettre quand elles ne sont pas dictées par des motivations personnelles mais par l’intérêt général.
«Sur quelles bases le fera-t-il», se demande M. Boukrouh, avant de répondre que «la seule manière qui reste de prouver que ce que j’ai dit est faux est de constater l’état du plaignant en s’aidant de l’expertise médicale à laquelle je pourrais opposer une contre-expertise». Cet homme politique estime que «c’est comme cela que ça se passe dans les tribunaux, sauf si notre justice ‘indépendante’ est encore une fois instrumentalisée pour dire le non-droit et condamner un innocent parce que le calife l’a ordonné».
Nourreddine Boukrouh, qui a marqué l’actualité nationale ces quatre dernières semaines, assure qu’il n’acceptera pas que «notre pouvoir, après avoir recouru au ‘financement non conventionnel’ recoure à la ‘justice non conventionnelle’». «Sans être médecin ou magistrat, nous savons tous qu’une maladie lourde peut déteindre sur le moral et le mental. Est-ce attenter à la dignité d’une personne que de décrire son état au vu de sa condition réelle et de son comportement ? Qu’a à voir un diagnostic médical avec le respect ou l’irrespect ?» soutient-il, en enfonçant encore davantage le président Bouteflika : «Je peux même aller plus loin : un chef d’Etat en possession de ses esprits ne viole pas la Constitution pour s’accorder deux mandats auxquels il n’avait pas droit avant de rétablir, après le quatrième, leur limitation à deux. Même si la nation a laissé faire. Un homme dans sa situation ne devrait pas être à de telles fonctions alors qu’il compte y rester jusqu’à la limite de sa vie, ce qui est en soi une preuve d’altération mentale», conclut Noureddine Boukrouh. Et d’affirmer : «S’il arrive à me faire juger par un tribunal algérien à la manière ‘non-conventionnelle’ qu’il affectionne en toute chose, moi je le ferai juger par le tribunal de l’Histoire comme je le lui annonçais dans la lettre que je lui ai adressée en avril 1999, le jour où il a prêté le serment présidentiel, la main sur le Coran, qu’il n’a eu de cesse, depuis, de trahir.»
M. Boukrouh avait, dans des écrits et des interviews accordées des médias nationaux, affirmé que le président Bouteflika n’était pas en possession de ses capacités physiques ni de ses capacités mentales pour continuer à diriger le pays. Il avait appelé à un sursaut national pour remettre le pays sur rails, dans cette conjoncture difficile à tout point de vue. Par ses déclarations contre le chef de l’Etat, Noureddine Boukrouh s’est attiré les foudres de l’état-major de l’ANP et des formations politiques soutenant le président Bouteflika.
H. A.
Comment (28)