La dédollarisation est en marche
Par Mohamed Benallal – La première panacée pour une nation mal dirigée est l’inflation monétaire, la seconde est la guerre. Les deux apportent prospérité temporaire et destruction indélébile. Les deux ont le refuge des opportunités économiques et politiques. Ernest Hemingway
Commençons par la fin et empruntant un raisonnement par récurrence, qui en mathématiques veut dire que chaque fois de cette propriété est satisfaite par un certain nombre entier naturel «n», elle est également satisfaite par son successeur, c’est-à-dire «n+1», et une fois cela établi, on en conclut que cette propriété est vraie pour tous les nombres entiers naturels.
Revenons aux faits et aux événements de l’heure : l’annonce de Maduro, président du Venezuela, de ne plus accepter le dollar américain. Ceci devrait avoir l’effet d’une bombe atomique de l’ordre H sur la monnaie, parce que le premier client du Venezuela, c’est bien entendu les Etats-Unis.
Autrement dit, si les Américains veulent du pétrole moins cher et dont la livraison se fait très rapidement, géographie oblige, et pour ne pas subir une pénurie de grande ampleur dans le vaste pays des Yankees, ils vont devoir l’acheter avec des yuans, condition de M. Maduro. Et comme le dollar est actuellement déjà très fébrile… Ce qui se trame, et qui ressemble à un coup de génie, c’est l’arrêt total des hostilités américaines contre le Venezuela, malgré la menace verbale musclée de Trump du haut de la tribune onusienne. Confirmant, par ailleurs, les avertissements du président Nicolas Maduro suite aux récentes sanctions américaines, The Wall Street Journal (source : Sputnik) rapporte que le Venezuela a officiellement cessé d’accepter le dollar américain en tant que moyen de paiement pour les exportations de pétrole brut.
«On trouve toujours de l’argent pour faire la guerre, jamais pour vivre en paix.» (Albert Brie, sociologue canadien)
Ceci pour bien comprendre ce qui se joue au Venezuela et pourquoi la prétendue opposition vénézuélienne est sur le point d’échouer et jeter l’éponge. Par ailleurs, la Russie et la Chine ont envoyé massivement des renforts en denrées et médicaments pour apaiser et surmonter la crise vénézuélienne.
Il n’y a pas que le Venezuela qui fait face à ce jeu de dédollarisation. De nombreux pays et non des moindres ne veulent plus dépendre du dollar. A commencer par la Chine, la Russie et l’Inde qui viennent de signer récemment un accord permettant d’utiliser leurs monnaies nationales dans le cadre du commerce bilatéral, alors que l’Europe considère que l’euro est un moyen d’échange international. Ce qui vient de se produire actuellement n’est qu’un début qui présentera une grande menace dans un proche avenir. La gravité est bien ce phénomène qui se nomme la dédollarisation qui est en marche.
La puissance économique de la Chine, elle, est soutenue par les pays des BRICS pour créer une alternative solide et bien constituée face à la domination du dollar américain dans le monde du commerce et de la finance. L’Amérique n’a plus cette force économique d’avant pour stopper cette hémorragie ou s’opposer. Jusqu’à présent, les Etats-Unis et Wall Street faisaient imprimer sans fin des dollars, et sans contrepartie, comme chez nous, en Algérie, pour la monnaie non conventionnelle. Cette création était soutenue plus par la force militaire des Etats-Unis.
Kadhafi voulait essayer en son temps d’envisager de créer le «dinar d’or» africain, mais les F16 et tout l’arsenal de la force militaire l’ont en empêché. Ce qui lui coûta la vie ainsi que la dislocation de son pays. Avant, les grands pays n’avaient pas d’autre solution que d’acheter la dette américaine par le biais d’obligations en dollar. Ils finançaient, par conséquent, les guerres américaines. Aujourd’hui, la Chine et la Russie craignent une autre monnaie internationale basée sur l’or, c’est pour cette raison que ces deux pays n’ont pas hésité à acheter d’importantes quantités d’or dans le but de remplir les réserves de change de leurs banques centrales qui étaient constituées de dollars et d’euros.
La Chine est prête pour gouverner le monde
A ces deux pays, se joignent les pays des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) ainsi que d’autres partenaires eurasiatiques de l’OCS (Organisation de coopération de Shanghai) constituée des pays suivants : Kazakhstan, Kirghizstan, Tadjikistan, Ouzbékistan, en plus de l’Inde, de l’Iran et du Pakistan. Soit presque 50% de la population de la planète, sans pour autant oublier l’Amérique latine et certains pays d’Afrique où la situation de renonciation au dollar évolue sérieusement et rapidement. Cet ensemble de pays comptent achever dans un proche avenir la création d’une monnaie alternative au dollar.
Poutine est un stratège calme et patient
Lors du sommet annuel des BRICS à Xiamen, le 5 septembre en Chine, le président russe, Vladimir Poutine, a exposé clairement et simplement la vision russe du monde économique actuel. Il a dit : «La Russie partage les préoccupations des BRICS vis-à-vis de l’injustice de l’architecture financière et économique mondiale qui ne prend pas en compte l’influence croissante des marchés émergents, nous sommes prêts à collaborer avec nos partenaires pour promouvoir la réforme de la régulation financière internationale et l’élimination de la domination excessive d’un nombre limité de monnaies de réserve.»
Pour autant que nous le sachions, Vladimir Poutine, par sa vision, n’a jamais été aussi franc et sincère sur les devises. Et si nous prenons cela en compte dans le contexte de la dernière architecture financière présentée par Pékin, il devient clair que le monde va bientôt atteindre un nouveau niveau de liberté économique.
«L’heure est venue de substituer aux dogmes du laisser-faire, laisser-aller, laissez-passer, le statut économique de l’avenir celui de l’Etat contre l’argent fort.» (P. Mendes)
Il faudrait que ce bouleversement ou plutôt ce cyclone financier ne soit basé sur l’or que d’une manière passagère afin de permettre de passer à une production monétaire basée sur l’ingéniosité individuelle pour bâtir des projets compatibles avec la prospérité et l’indépendance des pays dans le but où il n’y aurait plus de pays pauvres. La libre circulation des hommes et des capitaux serait également assurée sur l’ensemble de la planète. Car le mensonge démocratique d’aujourd’hui repose sur le privilège de création monétaire non conventionnelle soutenu par des F16. Espérons que le cyclone monétaire qui approche anéantira les pays puissants et arrogants, tels les Etats-Unis.
M. B.
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