Tentative d’attentat contre Lafarge : qui en veut au financeur de Daech en Syrie ?
Par R. Mahmoudi – Au moment où s’ouvrait à Paris le procès du cimentier français Lafarge pour «financement d’entreprise terroriste», suite à la découverte d’un marché entre une filiale de cette société en Syrie avec Daech auquel elle versait entre 20 000 et 30 000 euros par mois, la presse français annonce mystérieusement la découverte, vendredi matin, de six bouteilles d’essence reliées à un «dispositif d’allumage rudimentaire» sous plusieurs camions du cimentier dans le XIXe arrondissement de Paris.
Le parquet de Paris a ouvert une enquête en flagrance du chef de «tentative de destruction par incendie». Acte de sabotage ou tentative d’attentat terroriste ? Les observateurs penchent plutôt pour la seconde hypothèse, d’autant plus que cette affaire intervient après la découverte de bonbonnes de gaz équipées d’un dispositif de mise à feu dans un immeuble du XVIe arrondissement de Paris, dans la nuit de vendredi à samedi. Dans cette affaire, six personnes, dont deux identifiées comme «radicalisées» – autrement dit potentiellement djihadistes – ont été placées en garde à vue.
Cela dit, ce qui est étrange dans cette histoire, c’est de s’apercevoir avec quelle facilité une société poursuivie pour financement d’une organisation terroriste mondialement connue pour ses crimes atroces se trouve du jour au lendemain dans la position de victime ou, du moins, de cible du terrorisme. Mais il reste à savoir si cette découverte de produits inflammables dans les camions de Lafarge peut jouer en sa faveur dans le procès qui se poursuit parce que la direction est déjà passée aux aveux dès l’ouverture de l’instruction et ne doit, a priori, bénéficier d’aucune circonstance atténuante.
Pour rappel, Bruno Pescheux, PDG de la filiale syrienne de l’entreprise franco-suisse jusqu’en juin 2014, avait indiqué aux enquêteurs avoir vu le nom de Daech sur des documents internes à l’entreprise, a rapporté le journal parisien Le Monde, qui a diffusé des extraits des auditions. A la question «avez-vous une idée du montant prévu pour Daech», il a répondu : «De l’ordre de 20 000 dollars par mois.»
Le même journal a révélé que «la décision du leader mondial des matériaux de construction de rester en Syrie a reçu l’aval des autorités françaises, avec lesquelles le groupe était en relation régulière entre 2011 et 2014». Les responsables de Lafarge ont ainsi affirmé à plusieurs reprises avoir consulté le ministère des Affaires étrangères ainsi que le gouvernement au sujet du maintien de leur activité dans le pays. Lafarge justifiait cela par son souci de continuer à fonctionner pendant la guerre. Un principe auquel le cimentier français se dit attaché, quitte à contribuer au financement «indirect» de l’une des organisations terroristes les plus cruelles de l’histoire.
R. M.
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