Retrait des Etats-Unis de l’Unesco : coup de théâtre ou coup de bluff ?
Par R. Mahmoudi – La décision prise par Washington, suivi au cours de la même journée par Tel-Aviv, de se retirer de l’Unesco en pleine élection du prochain directeur de l’organisation suscite bien des interrogations. Pourquoi avoir choisi un moment où le vote des 58 pays membres a sorti en final un candidat qatari, l’ex-ministre de la Culture Hamad Bin Abdoulaziz Al-Kawari et une candidate française, elle aussi ex-ministre de la Culture, Audrey Azoulay, qui sont pourtant les moins soupçonnés d’antisémitisme ou d’attitude anti-israélienne parmi tous les candidats en lice ?
Inutile peut-être de rappeler, à ce propos, que ni le Qatar, qui entretient des relations quasi assumées avec Israël depuis longtemps, encore moins la France, représentée par la fille du principal conseiller du roi du Maroc, André Azoulay, connu pour ses positions pro-israélienne, ne pourront être, à l’avenir, un obstacle à la politique israélienne, puisque c’est le principal reproche qui est fait à la direction sortante.
Aujourd’hui, pour maquiller les accusations américaines, on ressort une vieille histoire où la presse occidentale avait reproché au candidat qatari d’avoir «observé le silence» à la présence de livres jugés antisémites au cours de foires du livre lorsqu’il était ministre de la Culture.
Aussi es-il curieux de relever que les Etats-Unis n’avaient pas adopté cette décision radicale lorsque la direction de l’Unesco s’était prononcée, il y a quelques années, sur le statut des deux villes palestiniennes El-Khalil (Hébron) et El-Qods, et lorsqu’elle avait accepté, en 2011, l’adhésion de la Palestine en tant que membre à part entière de l’organisation. Il y a eu, certes, des réactions ulcérées de la part de Washington et de quelques capitales «amies» d’Israël, des menaces brandies par les Américains de geler leur contribution financière à l’organisation mais la polémique en était restée à ce stade.
Cela dit, les Etats-Unis ne sont pas à leur premier coup de théâtre. Il y eu un précédent, en 1984, sous Ronald Reagan, alors motivé par l’inutilité supposée et les débordements budgétaires de l’Unesco. Ce n’est qu’en 2002 que les Etats-Unis avaient réintégré l’organisation.
Etrange coïncidence enfin : le retrait fracassant de Washington et de Tel-Aviv intervient au moment même ou était signés, au Caire, des accords historiques entre le Fatah et le Hamas, permettant le retour de l’Autorité palestinienne à la bande de Gaza, après plus de dix ans de rupture et de guerre fratricide.
R. M.
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