Contribution au débat sur le financement conventionnel décidé en Algérie
Par Anaaf – Le thème de la création monétaire «fait couler beaucoup d’encre» dans les médias algériens, souvent, pour une minorité d’entre eux, engagés idéologiquement, sans respect déontologique et «sacré» d’un véritable devoir d’information.
En donnant la parole à certains experts qui se sont érigés en «prophètes» de l’économie algérienne, le débat qui a été lancé sur la décision du Président de la République et de son gouvernement, ayant à sa tête comme Premier ministre Ahmed Ouyahia, d’avoir recours à «la planche à billets», habillée du costume molleton et magique du «financement non conventionnel», a été vidé de son enjeu majeur par l’emploi d’un jargon technique et inaudible par les citoyens.
Ne fallait-il pas éviter le déchaînement des passions dans une situation aussi grave pour le pays en mettant l’accent tout simplement sur l’idée que la création monétaire consiste simplement à créer de l’argent à partir de rien ? Il est vrai que certains n’ont pas hésité à affirmer que, quelque part, la création monétaire c’est du vol en ignorant, volontairement ou pas, que la monnaie est indispensable au bon fonctionnement économique comme un «mal nécessaire».
En effet, une société organisée est censée, chaque année, produire de nouvelles richesses. Que ces nouvelles richesses soient échangées contre de la monnaie dans le circuit économique ! D’où la création monétaire avec une question importante : dans quelle quantité ? S’il y a trop de monnaie créée, le jeu de l’offre et de la demande génère de l’inflation (hausse des prix). S’il n’y a pas assez de monnaie créée, on se trouve en situation déflationniste (baisse des prix). Pour fixer les idées des citoyens avant de poursuivre notre argumentation, soit nous imprimons des billets de banque et frappons des pièces de monnaie, soit, tout simplement, la création monétaire consiste, dans les hypothèses les plus répandues, à créditer des comptes de banques «à partir de rien».
Pour accomplir cette tâche, le Premier ministre et son gouvernement ont décidé de demander au Parlement de «réformer» la loi sur la monnaie et le crédit pour que la Banque centrale d’Algérie obtienne le pouvoir de «créer» une quantité de monnaie, sans que cette quantité, nouvellement générée, et sa circulation pour une période déterminée soient clairement définies. Toujours est-il que si l’on considère que la monnaie est un bien qui appartient à tous les citoyens, sa création doit les servir collectivement et équitablement, surtout en période de crise.
C’est pourquoi l’Etat, qui reçoit en dépôt la monnaie créée par la Banque centrale d’Algérie, a logiquement, juridiquement et politiquement pour devoir d’en faire bénéficier au mieux tous les citoyens algériens pour éviter la pratique de la «main invisible» qui le destinerait , selon des critères occultes, à des intérêts qui relèvent de son contrôle ou qui la contrôle avec des effets économiques terribles, sacrifiant ainsi l’avenir de plusieurs millions d’hommes, de femmes et de jeunes, particulièrement ceux et celles qui sont au chômage, sans formation ou qualification, de travailleurs et contribuables mais aussi, et surtout, avec également des effets politiques et démocratiques aux convulsions catastrophiques.
Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a annoncé la mise en place d’un organisme de contrôle et de suivi du financement non conventionnel envisagé pour soutenir l’économie et faire face aux retombées négatives de la crise que traverse le pays après la chute drastique du prix du baril de pétrole.
Les objectifs de cet organisme n’ont pas encore été révélés. Pourrait-on imaginer ou espérer que cet organisme puisse être mis en situation d’encourager enfin l’idée de démocratiser la conception des travaux préparatoires à l’élaboration de la nouvelle orientation politique gouvernementale et, par la même occasion, mettre en œuvre une véritable transition de l’économie algérienne et l’éloigner de la dépendance des seuls revenus des hydrocarbures ?
Le gouvernement reste, bien entendu, responsable, maître d’œuvre et d’ouvrage de cette nouvelle orientation économique qu’il propose à l’approbation du Parlement, mais ne pourrait-on pas suggérer que l’organisme de contrôle et de suivi du financement non conventionnel exprime les opinions des forces économiques, sociales, culturelles et régionales dans toutes leurs diversités ? Ne pourrait-on pas également proposer que l’architecture de cet organisme de contrôle et de suivi du financement non conventionnel soit composée de plusieurs commissions afin de produire des réflexions objectives et scientifiques et obtenir ainsi des résultats probants dans l’optique d’une véritable transition économique, à savoir :
- Commission portant sur les conditions scientifiques, techniques et culturelles de la transition économique et du développement économique.
- Commission chargée de la définition des nouvelles activités productives.
- Commission ayant pour objet l’étude des meilleurs outils et démarches pour financer l’économie.
- Commission : emplois, revenus, solidarité, développement décentralisé et équilibré du territoire.
- Et enfin une commission pour favoriser l’épanouissement social, culturel et éducatif.
Le but essentiel de la nouvelle volonté politique proclamée devrait être celui d’une stratégie de modernisation du pays appuyée sur des objectifs précis et des grandes actions réalistes, sérieuses avec des moyens clairement affichés pour leur réalisation.
Cette stratégie devrait également être l’expression sincère d’une politique transparente même si elle s’accompagne de la méthode d’une rigueur nécessaire au retour aux grands équilibres, à une croissance saine et régulière pour faire reculer le chômage, notamment celui des jeunes, et réduire drastiquement la contrainte liée à l’instabilité du prix du baril du pétrole dont dépend aujourd’hui l’avenir de tout le pays. Toutes ces propositions supposent que le gouvernement assume et fait le pari de la transition économique qui passe par le pari de la modernisation et du développement de l’industrie nationale.
Ce pari, pour que du discours devienne acte, nécessite le rappel du rôle et de la responsabilité de l’Etat et que les citoyens comprennent ce qui relève de leur mobilisation, de leur engagement et également de leur responsabilité civique. Les Algériens seront encore plus enthousiastes de revendiquer et de défendre l’idée de ce pari s’il vise au moins les modernisations du système productif, de l’éducation, des relations contractuelles à tous les niveaux, particulièrement entre citoyens administrés et autorités administratives et politiques dirigeantes et, enfin, la politique culturelle.
Pour que ces modernisations soient effectives et efficaces pour une transition économique fructueuse, il faudrait que le programme politique qui les induit et les soutient favorise la diffusion des nouvelles technologies dans l’ensemble du tissu économique national, plus précisément dans les industries de biens de consommation et de bien d’équipement, de l’artisanat, de l’agroalimentaire, des bâtiments et travaux publics.
La transition économique espérée par les citoyens algériens passe aussi par une ambition politique sérieuse et éclairée qui donnera à tous les jeunes une qualification leur permettant de s’insérer dans la vie économique et sociale du pays. Pour atteindre ce but, il faut un effort considérable à tous les niveaux pour mener des actions qui favoriseraient l’innovation dans les entreprises, des hommes et des femmes mieux formés aux techniques nouvelles, ainsi que la promotion de la culture et de l’information scientifique et technique.
Cette transition économique doit également s’accompagner d’un marché de l’audiovisuel et des industries de communication, authentiquement algérien, libéré des contraintes d’une administration bêtement tatillonne, où la création, la recherche, l’expérimentation et la formation dans le domaine audiovisuel ne relèvent pas du «bricolage» car elles contribueront à son émergence et à son développement, tant au niveau national qu’au niveau des différentes régions du territoire.
Par ailleurs, le succès de cette transition économique doit se mesurer aussi à la volonté des autorités et acteurs, chargés de sa réalisation, d’améliorer les conditions de vie de certains quartiers populaires des grandes villes, de maîtriser l’urbanisation de nos villages pour les rendre esthétiquement attrayants, mais aussi, et surtout, de moderniser le système de soin du pays pour mieux répondre à la diversité des besoins et des aspirations de la population en matière de santé, en maîtrisant et rationalisant l’évolution des dépenses, problème essentiel des années à venir à cause d’une démographie qui n’a cessé de s’accroître ces dernières années.
Enfin, pour que cette transition économique soit exemplaire, ses promoteurs et acteurs doivent rechercher une meilleure qualité de vie quotidienne pour tous les citoyens, subordonnée à une amélioration sensible et visible du fonctionnement de la justice et de la sécurité de tous les citoyens, notamment en soutenant un effort de solidarité à l’égard des victimes, particulièrement les femmes, d’actes de violence, de délinquance ou d’accidents de la route.
Pour que tout ce qui vient d’être modestement développé ne relève pas des sempiternels vœux pieux, il faudrait s’assurer que tous ceux et celles qui ont la responsabilité de mettre en œuvre cette transition économique ont à l’esprit ce propos de Mirabeau : «Celui qui a la conscience d’avoir bien mérité de son pays et surtout de lui être encore utile, celui que ne rassasie pas une vaine célébrité et qui dédaigne les succès d’un jour pour une véritable gloire, celui qui veut dire la vérité, qui veut faire le bien public indépendamment des mobiles mouvants de l’opinion populaire, cet homme porte en lui la récompense de ses services, le charme de ses peines et le prix de ses dangers ; il ne doit attendre sa moisson, sa destinée, la seule qui l’intéresse, la destinée de son nom, que du temps, juge incorruptible qui fait justice à tous.»
Alliance des Associations des Algériens de France
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