Massinissa, le sauveur hypostasié du pouvoir algérien(*)
Par Mesloub Khider – «L’idéal, c’est quand on peut mourir pour ses idées, la politique c’est quand on peut en vivre.» Charles Péguy
Sous les auspices du commissariat bien policé à l’amazighité, a été édité le premier document officiel en langue amazighe. «Coédité par le Haut Commissariat à l’amazighité (HCA) et Algérie Presse Service (APS), le document de 90 pages comprend les textes traduits vers tamazight de la Déclaration du 1er Novembre 1954, la Plateforme du Congrès de la Soummam du 20 août 1956 et la Constitution algérienne de 2016.»
Concocté par des commissaires armés de la légitimité conférée par l’Etat, ce document sacré en langue de Massinissa comprend ainsi trois grands chapitres de l’histoire de l’Algérie.
Paradoxalement, la publication de ces textes en tamazight intervient au moment où la pérennité de l’Algérie est compromise, dans une conjoncture où elle est travaillée par des forces centrifuges (et des Algériens qui fuguent pour trouver à l’étranger refuge), par des mouvements irrédentistes (et des Algériens radiés de la vie qui ont besoin de consulter des dentistes, pour avoir une bouche présentable afin de parler dans ce nouvel idiome appelé à un avenir radieux). La dérision est la campagne des Algériens, elle leur permet d’aimer la vie ou de supporter le mal-vivre ! Alors, je me permets quelques digressions ironiques rimées.
Comme si, dans un sursaut de survie, le pouvoir algérien tentait de se racheter une virginité (qu’il a à nos yeux depuis longtemps perdue en déflorant la dignité des Algériens par ses viols répétitifs de nos droits) en renouant avec les sources berbères appelées à la rescousse pour ressouder un peuple en perte de confiance identitaire. Et ainsi redorer son blason élimé à bon compte, et surtout préserver son compte bancaire, même s’il doit tous nous éliminer.
Ironie de l’histoire, cet Etat entreprend cette refonte politique linguistique salutaire qu’il aurait dû impulser à la naissance du pays, dès l’indépendance. Mais cet Etat du front ou affront d’Etat a préféré expulser la question linguistique berbère du débat politique, de son projet de construction (de destruction) de l’Algérie.
Or, on sait ce qu’il en est advenu. Durant plus d’un demi-siècle, il s’est plutôt acharné à décharner, pourchasser et emprisonner tous les Algériens en lutte pour la reconnaissance de l’identité berbère de l’Algérie et l’officialisation de leur langue.
S’il se résout aujourd’hui à publier des documents en tamazight, ce n’est pas par amour sincère et authentique de la berbérité, mais par tactique.
Englué dans une crise économique sans précédent, ce pouvoir aux abois, faute de solutions concrètes pour sortir le pays de la misère, tente d’endormir le vrai peuple par des mesures artificielles sans grande portée sur leurs conditions de vie.
La langue ne nourrit pas le ventre, elle permet, en revanche, aux nantis repus de nous gaver de paroles indigestes !
Au diable la langue amazighe, l’arabe, si elles nous maintiennent dans l’asservissement, l’assujettissement, la misère ; si elles ne nous rendent pas notre dignité !
Pour preuve des intentions manœuvrières de ces dirigeants ennemis de l’Algérie, au lieu de traductions en tamazight d’ouvrages scientifiques et littéraires propices à l’enrichissement intellectuel et culturel des Algériens, ils nous livrent une énième livraison de lectures soporifiques sur le passé glorieux.
On sait que la Révolution algérienne fut héroïque et glorieuse, et les moudjahidine, hommes dignes (mon père et toute ma famille firent partie de ces grands hommes qui ont sacrifié leur vie pour libérer l’Algérie du joug colonial français). Mais, de grâce, laissons les morts reposer en paix ! Nous ne digérons plus votre propagande mémorielle qui nous est servie en guise de nourriture.
Et occupons-nous des Algériens de notre temps, enterrés vivants par la faute de ces fossoyeurs de la révolution, installés par la force au pouvoir.
M. K.
(*) Considéré abusivement (une pure abstraction) comme une réalité. Considéré comme une réalité absolue ce qui n’est qu’un concept dans le domaine de la philosophie.
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