Croire Ben Salman ?
Par R. Mahmoudi – Faut-il croire les Al-Saoud lorsque leur homme fort actuel, le prince Mohammed Ben Salman, affirme que son pays va bientôt «détruire» l’extrémise – traduire l’idéologie wahhabite – et «revenir» à l’islam tolérant ? On sait qu’une succession de mesures très risquées ont été prises depuis la consécration, illégitime faut-il rappeler, du futur roi contre les milieux dits conservateurs qui forment traditionnellement la béquille idéologique sur laquelle s’appuie le régime depuis sa création à la fin du XXIe, et qui se disent être les dépositaires de la doctrine wahhabite.
Cela a commencé par la dissolution impromptue du puissant Comité pour la promotion de la vertu et de la lutte contre le vice, qui faisait office de police des mœurs. Suivie, quelques mois plus tard, d’une purge inédite dans la sphère des théologiens et des imams, dont environ un millier croupit aujourd’hui en prison, sans jugement, cela va de soi.
Troisième mesure prise par Ben Salman, qui a sonné comme un coup de grâce à la tradition wahhabite, l’autorisation accordée aux femmes, sans fatwa, de conduire des voitures. En politique, l’Arabie Saoudite a pris la décision de rompre avec le Qatar qu’elle accusait de promouvoir le terrorisme et s’est aussitôt lancée dans une guerre médiatique acharnée contre les organisations se revendiquant de l’islamisme.
Autant de décisions «révolutionnaires» qui ont commencé à séduire les plus sceptiques. «Et si les Al-Saoud disaient vrai ?», se met-on même à s’interroger dans les milieux progressistes arabes. Cela ne pourrait qu’être une bonne nouvelle, dans la mesure où la fin du wahhabisme libérera des millions d’Arabes et de musulmans d’un carcan idéologique mortifère. Mais, et s’il ne s’agissait que d’une tactique de survie pour passer une conjoncture difficile à tous les niveaux, politique, financier et sécuritaire, aggravée par des luttes intestines au sein de la famille régnante avec ses multiples branches rivales ?
Une tactique pour justifier, en même temps, un rapprochement de plus en plus assumé avec Israël. Cela a commencé par l’acquisition de deux îles égyptiennes, dont le seul objectif est de faire un pas symbolique sur une terre obligeant de facto ses acquéreurs à respecter les accords de paix avec Israël. Puis, il y a eu des visites fuitées de hauts responsables des services de sécurité saoudiens à Tel-Aviv. Pour culminer, enfin, par la construction d’un mégaprojet touristique de 500 milliards de dollars sur la mer Rouge, à quelques encablures d’Israël, inauguré par le futur roi saoudien le jour même où il a juré de… s’autodétruire.
R. M.
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