L’Espagne face au spectre de la guerre civile
Par Sadek Sahraoui – La Catalogne s’est réveillée ce samedi sous tutelle de l’Etat espagnol, au lendemain d’une déclaration d’indépendance historique aussitôt rejetée par Madrid. Les autres mesures annoncées par le gouvernement espagnol comprennent la destitution du directeur de la police régionale catalane ou encore la fermeture des «représentations» catalanes dans le monde.
En attendant les nouvelles élections régionales en Catalogne, convoquées par Madrid pour le 21 décembre, la nuit barcelonaise était dominée par les indépendantistes et leurs feux d’artifice sur la place Sant Jaume. Aujourd’hui à Madrid, la capitale du royaume d’Espagne, ce sera toutefois au tour des partisans du maintien de la Catalogne en Espagne de manifester. Les deux camps sont diamétralement opposés, symbole de cette crise sans précédent pour l’Espagne depuis son retour dans le camp de la démocratie, en 1977.
Les conséquences de cette déclaration d’indépendance unilatérale de la Catalogne, comme de la mise sous tutelle par Madrid, sont justement incalculables. Signe de l’inquiétude en Europe, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a souligné vendredi que l’UE n’a «pas besoin d’autres fissures». En clair, les dirigeants européens craignent le déclenchement d’une guerre civile. C’est la raison pour laquelle le président du Conseil européen, Donald Tusk, a appelé Madrid à choisir «la force de l’argument plutôt que l’argument de la force».
Beaucoup à Bruxelles craignent en effet que la Catalogne ne soit entraînée dans une spirale de troubles face à la tentative de reprise en main par l’Etat. Cette crainte est corroborée par le fait que l’annonce de la mise sous tutelle de la région a été accueillie vendredi soir par les huées des dizaines de milliers d’indépendantistes réunis à travers les villes catalanes pour fêter leur nouvelle et fragile «république», sur un territoire grand comme la Belgique où vivent 16% des Espagnols.
Le petit parti d’extrême gauche indépendantiste CUP, qui avait résolument poussé à une proclamation immédiate de l’indépendance, a annoncé dans un tweet : «Nous continuerons à construire la République ! Nous ne nous soumettrons ni à l’autoritarisme de Rajoy ni à l’article 155.»
Ça risque également de chauffer aussi entre Catalans. Exprimant le désarroi d’une partie de ses administrés, la maire de gauche de Barcelone, Ada Colau, a diffusé un message amer, rejetant une déclaration d’indépendance «qui n’a pas le soutien majoritaire des Catalans». Elle a accusé les conservateurs à Madrid d’avoir été «incapables d’écouter et de gouverner pour tous» et les partis indépendantistes à Barcelone d’avoir poursuivi «à une vitesse de kamikaze leur fuite en avant».
L’Espagne n’a jamais été autant menacée d’implosion.
Lors des dernières élections régionales, en 2015, l’ensemble des formations pro-sécession – de l’extrême gauche au centre droit – n’avaient obtenu que 47,8% des suffrages, mais une majorité en sièges au parlement catalan. La résolution déclarant l’indépendance a été adoptée vendredi par 70 voix pour (sur 135 députés), en l’absence de la plus grande partie de l’opposition, qui avait quitté l’hémicycle. L’indépendantisme avait tout particulièrement commencé à prospérer quand le parti de M. Rajoy avait obtenu en 2010, de la Cour constitutionnelle, qu’elle ampute largement un statut conférant de plus larges pouvoirs à la région.
S. S.
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