Les Marocains : «Ce n’est pas un TGV qui atténuera l’archaïsme du Makhzen»
Par R. Mahmoudi – Dans une contribution fort édifiante parue sur le site français Mediapart, le bloggeur marocain et membre du Comité de soutien au mouvement rifain de l’île de France, Anass Assanoussi, met à nu le régime marocain, en décortiquant la nature et le fonctionnement du Makhzen et, par-là, de toute cette dynastie héritée du Moyen-âge qu’est le royaume du Maroc d’aujourd’hui. De telles analyses sur le Maroc sont tellement rares dans la presse française qu’on peut se permettre de penser que les choses commencent à changer, et qu’un esprit de rébellion irréversible est en train de s’ancrer.
L’auteur explique, d’entrée, que le mot «Makhzen» renvoie plutôt au régime dans son ensemble qu’à une simple structure étatique dissociée du Palais, comme l’écrit souvent la presse, consciemment ou inconsciemment. Il décrit les ravages du culte de la personnalité au Maroc où, toutefois, de plus en plus de citoyens rechignent à accrocher le portrait de «Sa Majesté» dans leurs petits commerces et contestent, en secret, ces cérémonie d’allégeance au souverain d’un autre âge qui illustre cette image d’un royaume archaïque, que les médias amis s’échinent à présenter comme un modèle d’alliage entre modernité et islam. «Ce n’est pas le TGV atlantique, la COP 22 en 2016, la centrale solaire Noor en plein désert qui vont atténuer le côté répressif, archaïque et rétrograde de ce Makhzen», résume l’auteur.
«L’on se demande parfois même si au Maroc, ce ne serait pas la monarchie qui serait une religion en lieu et place de l’islam», écrit Anass Assanoussi, tout en relevant la schizophrénie de ce régime, aidé en cela par les alliés occidentaux : «On assiste depuis plusieurs années à un monarque qui, lors de ses déplacements fréquents en Europe, s’adonne à la pratique branchée du selfie. Toujours cette volonté du Makhzen de donner une image lisse, ouverte, branchée à l’Occident, pour mieux cacher ses turpitudes à l’intérieur du royaume. Ainsi, le Maroc a toujours su habilement capitaliser sur son image de destination paradisiaque, de pays stable, d’oasis d’accueil pour Occidentaux en manque d’authenticité… Mais il s’est toujours trouvé des personnalités, des associations pour (…) mettre en pleine lumière les écarts de développement entre certaines régions, la pauvreté, l’analphabétisme toujours énormes, mais aussi encore plus sensibles, un fléau énorme comme la prostitution, le tourisme sexuel.»
Face à l’ébullition sociale, le Makhzen, estime le l’auteur de l’analyse, «distille une arme redoutable, même si elle fonctionne moins aujourd’hui : la peur». La peur même de parler à un chauffeur de taxi ou chez-soi «car les murs ont des oreilles !» Les récents événements du Rif ont révélé la brutalité de la pression de régime qui continue, malgré tout, à jouir de l’impunité totale et à bénéficier de l’«hypocrisie» d’une frange importante des citoyens français d’origine marocaine qui, selon ce bloggeur lui-même vivant en France, «ne vont pas être avares de critiques envers la France, ne vont pas se gêner pour critiquer violences policières dans l’Hexagone et, à juste titre, vouer aux gémonies Le Pen, Sarkozy ou d’autres… mais ne disent absolument rien sur la situation au Maroc, et encore moins dans le Rif». Il va plus loin en estimant que «certains même approuvant la répression, insultant copieusement les Rifains, les considérant comme des traîtres, alors que les Rifains ont combattu le colonialisme, contrairement à leur cher Makhzen, et s’illustrant par d’abondantes injures sur les réseaux sociaux…»
R. M.
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