Les pays de l’Afrique de l’Ouest ferment la porte au nez de Mohammed VI
La Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la Cédéao devrait donner, le 16 décembre prochain, sa position définitive concernant la demande d’intégration du Maroc dans l’espace ouest-africain en tant que membre à part entière. Les chefs des Exécutifs de la communauté ont déjà donné leur accord de principe, le 14 juin dernier, suite à une demande introduite par le royaume chérifien le 24 février de la même année. Le Maroc est donc pour ainsi dire assuré de rejoindre la sous-région africaine. Mais tant que les leaders n’ont pas donné leur quitus, la société civile ouest-africaine ne désespère pas de parvenir à bloquer le processus car personne ne semble en réalité vouloir du Maroc à la Cédéao.
Un comité d’initiative pour le suivi de l’intégration composée d’organisations patronales, de syndicats, d’associations de la société civile et du monde universitaire a même été créé au Sénégal pour attirer l’attention de l’opinion ouest-africaine sur les dangers d’une intégration du Maroc à la Cédéao. Le quotidien Enquête, qui a consacré cette semaine un dossier à la question, indique qu’au cours d’une conférence de presse organisée ce week-end à Dakar, Diallo Kane, le président du Comité et ses camarades ont formellement rejeté toute adhésion du Maroc dans l’espace communautaire. «L’intégration du Maroc est un danger national», ont-ils prévenu.
Les membres du Comité ont, ajoute la même source, égrené tout un chapelet de conséquences négatives de cette arrivée sur les économies des pays, le Sénégal en particulier. «Si le Maroc devient un membre à part entière, il aura tous les avantages consentis à chacun des Etats. Or, le contenu de l’intégration est avant tout économique. Ainsi l’impact sera-t-il double : d’un côté, les comptes de l’Etat, de l’autre le secteur de la production. Dans tous les secteurs, nous sommes perdants», s’est inquiété Kane.
Selon lui, l’Etat va perdre des recettes avec la suppression des taxes douanières. Mais, a-t-il dit, c’est un moindre mal comparé aux conséquences dans le monde de l’emploi. «Selon l’étude d’impact que le comité est en train de finaliser, l’agriculture, au sens large, l’industrie, l’artisanat, le commerce, les services ainsi que les bâtiments et travaux publics figurent parmi les secteurs qui seront les plus impactés», prévient-on. Pour ce qui est de l’agriculture, Kane fait remarquer que le Maroc est d’une compétitivité redoutable, au-delà même de celle du Portugal, de l’Italie et de la Grèce. Le patronat sénégalais est convaincu qu’il n’y a que le Nigeria qui peut rivaliser avec le Maroc. Et ce n’est pas sans conséquence. C’est pourquoi d’ailleurs, relève-t-il, la société civile nigériane s’est déjà opposée à cette arrivée.
En plus de la crainte de se faire dévorer crus par les entreprises marocaines, les populations ouest-africaines redoutent que le Maroc vienne dans la peau d’un nouveau colonisateur. La peur est d’autant plus grande que le roi Mohammed VI, auteur, en 1985, d’un mémoire de licence sur «L’Union arabo-africaine et la stratégie du royaume du Maroc en matière de relations internationales», n’a jamais caché ses ambitions expansionnistes. Le risque est donc grand au sein de la Cédéao de passer du joug français ou anglais à celui marocain. D’où cette mise en garde d’un intervenant : «Que le tueur soit un voisin ou qu’il habite l’Alaska, il n’y a pas de préférence, puisque le résultat est le même : c’est la mort !»
S. S.
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