Salon du livre d’Alger : Kaouther Adimi présente Nos richesses
Dans son dernier roman Nos richesses, Kaouther Adimi confronte la place de la littérature et du livre dans la société algérienne actuelle et le travail colossal de l’édition dans les années 1930 à travers le destin d’un libraire et propriétaire d’une maison d’édition à Alger, fermée après plus de soixante-dix ans d’existence.
Ce roman de 211 pages paru récemment aux édition Barzakh est le troisième ouvrage de la jeune romancière. Il retrace le destin d’une petite librairie algéroise, «Les vraies richesses», fermée et revendue pour accueillir un magasin de beignets, après avoir été récupérée par le ministère de la Culture et désertée par les lecteurs.
Après le départ de Abdallah, un fonctionnaire, responsable des lieux, «Les vraies richesses» voient arriver Ryad, jeune étudiant en architecture vivant en France. Et le stage de fin d’études de l’élève-architecte consiste justement à vider les lieux, jeter les livres et le mobilier pour réaménager le local.
L’auteure replonge ses lecteurs dans la vie d’Edmond Charlot qui avait, en 1936, ouvert avec ses amis une libraire abritant également une bibliothèque de prêt et une maison d’édition. Celle-ci avait été créée pour abriter les rencontres régulières d’auteurs comme Albert Camus, Emmanuel Roblès, Jules Roy, ou encore Mouloud Feraoun et le poète et homme de théâtre Himoud Brahimi. Le journal d’Edmond Charlot relate également plusieurs événements majeurs de l’histoire de l’Algérie, à l’exemple des massacres du 8 Mai 1945, du déclenchement de la Guerre de libération, les attentats de l’Organisation de l’armée secrète (OAS) – qui a plastiqué à deux reprises l’une de ses librairies – ou encore son séjour en prison à cause de ses liens avec Albert Camus.
L’aventure de «Les vraies richesses» est racontée à travers la reconstitution du journal d’Edmond Charlot où le travail de l’éditeur est restitué avec minutie, sur fond de censure, de rareté du papier et du monopole des grandes maisons d’édition poussant à la faillite les petites d’entre elles.
Le journal de l’éditeur évoque, entre autres, le supplice vécu par Kateb Yacine en mai 1945, le «travail du Front de libération national auprès des Nations unies», les «terribles actes de tortures» de l’armée coloniale, aussi bien que «l’épouvantable guerre masquée sous le nom d’“événements”». Le lecteur fait plusieurs bonds dans le temps entre la vie de l’éditeur et le quotidien de l’architecte-stagiaire qui se heurte à la solidarité des commerçants du quartier, déterminés à sauver la librairie ou, du moins, les livres qu’elle contient, en essayant de convaincre l’architecte de la valeur de ceux-ci.
Et c’est en découvrant la valeur du livre et de la librairie que Ryad se familiarise, peu à peu, avec les mœurs des Algérois et le quotidien de la jeune génération dans cette ville.
Née en 1986, Kaouther Adimi a publié son premier roman, Des Ballerines de papicha en 2010, réédité en France un an plus tard sous le titre L’Envers des autres. En 2015, elle sort Des Pierres dans ma poche. Egalement auteure de plusieurs nouvelles, elle a reçu, entre autres, le Prix littéraire de la vocation (2011) pour son premier ouvrage.
R. C.