Quand les valeurs novembristes mobilisaient même les Français
Par Houari Achouri – A chaque commémoration du 1er Novembre 1954 apparaissent des facettes nouvelles, peu connues ou pas mises en relief, qui traduisent la portée historique de cet événement.
La célébration, cette année, du 63e anniversaire du déclenchement de la Guerre de Libération nationale a fait ressortir de l’oubli ceux que l’on appelle encore «les amis de la Révolution algérienne». Ils ont soutenu de façons diverses le combat libérateur du peuple algérien et ont accepté de consentir les lourds sacrifices exigés pour mettre fin à un régime colonial brutal et bestial. Tous les historiens s’accordent à dire que c’est l’une des révolutions qui a le plus marqué les événements de notre époque.
Les valeurs humanistes et universelles – liberté, justice et dignité – ont inspiré la lutte armée pour l’indépendance nationale et ne pouvaient que susciter sympathie et soutien de celles et ceux qui partagent ces valeurs et qui, a priori, n’avaient pas de raison de s’engager avec le peuple algérien et, surtout, de prendre autant de risques. Les premiers à l’avoir fait ont été naturellement les Européens d’Algérie qui ont été sensibles au passage de la Déclaration du 1er Novembre 1954 qui proclamait de la façon la plus limpide : «Respect de toutes les libertés fondamentales sans distinction de race et de confession.» Exemple significatif : en écho à cette déclaration, des femmes et des hommes de confession chrétienne, pieds noirs, ont choisi le camp de la justice dès les premiers moments de la lutte armée, alors que son issue victorieuse n’était pas encore évidente. Ils ont adhéré spontanément, pleinement, à la cause algérienne et lui ont apporté un soutien actif qui a dépassé la simple marque de sympathie. Certains d’entre eux ont été condamnés par les tribunaux français, après avoir été accusés d’avoir «donné asile à des chefs de la rébellion», «transporté des tracts», apporté un «soutien logistique» aux patriotes algériens.
On ne peut oublier l’épopée de ces centaines de militants anticolonialistes, femmes et hommes, en France, en Belgique et dans d’autres pays d’Europe, avocats et porteurs de valises, notamment ceux du Réseau Jeanson, dont l’engagement aux côtés des combattants algériens donne toute la mesure de la portée universelle de la Révolution du 1er Novembre 1954. Ces militants – qui n’étaient pas Algériens – n’ont pas hésité à se lancer dans une action courageuse et aux risques considérables en tissant des réseaux de solidarité qui ont rendu d’immenses services à la cause de la libération de l’Algérie du colonialisme.
La répression coloniale n’a pas épargné ces militants et, pire, plusieurs d’entre eux ont été assassinés par les agents des services secrets français sous couvert d’une organisation criminelle connue sous le nom de «main rouge». Ces faits historiques et les noms des personnes concernées par ces actions courageuses restent peu connus, les livres d’histoire, écrits en Algérie, en France ou dans un autre pays, ne les ont pas suffisamment traités, en tout cas, pas comme ils le méritent.
Les autres Européens d’Algérie, ceux qui ont choisi le camp de la répression pis celui de l’OAS – pourtant vite apparu comme un groupe armé raciste et criminel – n’ont jamais été attentifs à la lame de fond qui poussait l’Algérie vers une authentique indépendance, qui s’est parfaitement révélée dans les manifestations de décembre 1960 qui ont ouvert les yeux à tous, sauf aux ultras de l’Algérie française, sur la réalité des sentiments du peuple algérien et son choix pour l’indépendance et la fin du régime colonial. Dans cette catégorie, certains ont changé d’avis et reviennent en touristes en Algérie, où ils ont le meilleur accueil de leurs anciens voisins algériens. D’autres restent agrippés à la nostalgie de l’époque coloniale. Tant pis pour eux !
H. A.
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