Hogra, émeutes et répression : la ville d’Oujda au bord de la révolte
Par Sadek Sahraoui – Au Maroc, il n’y a pas que le Rif qui soit quasiment en situation de désobéissance civile. Frontalière de l’Algérie, la région d’Oujda vit également au rythme des protestations et des manifestations depuis plusieurs mois. Oubliée par le pouvoir central, sa population sort régulièrement dans la rue pour dénoncer le chômage, la marginalisation et la misère.
Pas plus loin que dimanche dernier, des milliers de jeunes ont affronté la police et battu le pavé pour crier leur ras-le-bol, dénoncer la hogra et le meurtre d’un motocycliste par un notable de la région, que Rabat veut à tout prix protéger.
Pour seule réponse aux revendications, le Makhzen déploie à chaque fois sa machine répressive et se déchaîne sur les jeunes. Rabat en profite pour faire payer à cette région les liens familiaux et d’amitié qu’il entretient avec les localités de l’ouest algérien depuis les temps anciens. Des localités où ils se ravitaillent quotidiennement en produits de première nécessité. Le Maroc les a abandonnés depuis les années 1960.
Dans la majorité des villes de l’Est marocain, les services de sécurité du Makhzen se conduisent encore comme une police coloniale. C’est contre cet état de fait que la population d’Oujda et des localités environnantes s’est révoltée cette semaine. Des centaines de personnes ont ainsi organisé, dimanche 5 novembre, après les funérailles du jeune défunt, une marche de protestation depuis le centre de Beni Drar vers le siège du «caïdat» de Beni Khaled, qu’elles ont attaqué à coups de pierre avant de bloquer la circulation sur la route nationale reliant Oujda à Nador, l’une des plus pauvres régions du Maroc. Ils se sont également introduits de force dans le dépôt communal de la commune de Beni Khaled pour tenter de l’occuper.
Le Maroc est au bord de l’implosion. Appauvries par la prédation économique et la corruption à grande échelle, toutes les régions du Maroc sont effectivement en train de bouillir. Il est à rappeler à ce propos que le Rif a célébré, fin octobre le premier, l’anniversaire de la mort du poissonnier Mohcine Fikri, broyé par une benne à ordures en tentant de s’opposer à la saisie de sa marchandise, événement déclencheur de la vague de contestation que la région à connu.
Même décapité par l’arrestation de ses cadres – jugés en ce moment à Casablanca – et les centaines d’interpellations, le Hirak continue à défier Mohammed VI. Chaque famille d’Al-Hoceima a aujourd’hui un proche incarcéré pour avoir manifesté. La colère ne s’arrêtera pas de sitôt car les origines profondes de la contestation dans cette région, qui s’estime marginalisée, sont toujours là. C’est que Mohammed VI est plus préoccupé par ses comptes bancaires et sa richesse personnelle que par les pauvres du Rif, d’Oujda ou de Nador.
S. S.
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