Pour s’allier ouvertement à Israël, l’Arabie Saoudite crée un conflit au Liban
Par Houari Achouri – Après son implication en Syrie par le biais de groupes terroristes pour déstabiliser ce pays, puis son intervention militaire directe au Yémen dans une agression caractérisée à la tête d’une coalition formée de quelques pays arabes et musulmans redevables financièrement ou sur la base d’une solidarité monarchiste, l’Arabie Saoudite, toujours obsédée par l’ennemi iranien mais en même temps cherchant à servir ses maîtres américains, s’est attaquée au Qatar et maintenant au Liban.
Au plan interne, le nouvel homme fort du royaume, le prince héritier saoudien Mohamed Ben Salmane, s’est engagé avec une précipitation douteuse dans une opération de prétendue moralisation-modernisation qui a mis le pays sens dessus-dessous. Les observateurs qui tentent d’expliquer cette fuite en avant du régime saoudien fondent leurs analyses sur le rôle de vassal des Etats-Unis que joue l’Arabie saoudite dans la région, en alliance honteuse avec Israël. Le fait nouveau est que l’axe Al Saoud-Israël s’affiche désormais sans vergogne, très mal dissimulé derrière une couverture religieuse constituée par le supposé, et exagérément exacerbé, risque chiite dans les pays sunnites, en fait le danger que représenterait l’Iran pour l’Arabie Saoudite et donc, plus précisément, pour les intérêts américains et israéliens dans la région.
Ce fait a été dévoilé par la chaîne de télévision israélienne Channel 10 qui a révélé le contenu d’un câble diplomatique adressé, immédiatement après la démission surprise du Premier Ministre libanais, Saad Hariri, à tous les ambassadeurs de l’Etat hébreu dans le monde pour leur demander carrément de venir en aide à l’Arabie Saoudite en exerçant toute leur influence diplomatique sur les personnalités politiques de premier plan des pays dans lesquels ils sont affectés, en vue d’isoler l’Iran et le Hezbollah.
S’agissant du Liban, la mission spéciale assignée aux diplomates israéliens est d’arriver à exclure le Hezbollah du gouvernement et de la vie politique de ce pays, ce qui correspond aux objectifs de l’Arabie Saoudite. On comprend que l’argument religieux – utilisé par l’Arabie Saoudite dans la guerre qu’elle mène au Yémen et dans celle qu’elle veut préparer au Liban – est destiné à tromper l’opinion publique internationale, surtout dans le monde arabe et musulman sur lequel l’Arabie Saoudite a la prétention d’exercer un leadership sans partage pour mieux servir les intérêts des Etats-Unis et d’Israël.
Le wahhabisme qui sert de véhicule idéologique à l’expansionnisme saoudien est devenu indésirable à cause de ses liens avec le terrorisme islamiste dévastateur et particulièrement meurtrier qui a frappé les pays occidentaux, comme les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni, principaux alliés de l’Arabie Saoudite. Ces pays ne veulent plus de l’arme du wahhabisme qui s’est avérée à double tranchant. D’où l’offensive menée par Mohamed Ben Salmane pour se débarrasser de cette tare tout en éjectant ses adversaires et solidement asseoir le trône dont il héritera prochainement.
L’alliance ouverte avec Israël suppose une Arabie Saoudite «libérée» des liens de solidarité arabo-islamique avec la Palestine et la création de rapports nouveaux bâtis sur le danger d’encerclement chiite qui proviendrait d’Iran. C’est ce prétexte d’«ennemis à la solde de l’Iran», dont celui constitué par le pauvre Yémen, qui est brandi par les Al-Saoud pour «fabriquer» les crises et entretenir artificiellement des conflits aux conséquences humaines dramatiques et aux graves bouleversements géopolitiques dans le monde arabe, au seul bénéfice d’Israël qui, en parallèle, au mépris du droit international, bombarde à tout-va la Syrie et continue de spolier et créer des colonies en terre palestinienne occupée.
La partie jouée par l’Arabie Saoudite n’est pas facile ni gagnée d’avance.
Réagissant à cette situation, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a accusé l’Arabie Saoudite d’avoir dicté la démission de Saad Hariri et de le retenir en otage. Il l’accuse également d’avoir incité Israël à frapper le Liban. D’après lui, l’attitude saoudienne s’explique par l’échec face à l’Iran que les dirigeants saoudiens chercheraient à compenser par des menaces sur le Liban. Il a mis en garde aussi bien l’Arabie Saoudite qu’Israël contre toute atteinte au Liban.
Enfin, l’insistance mise sur la stabilité du Liban aussi bien par le président français Emmanuel Macron que par le président américain Donald Trump – quoique dans des termes différents, plus «diplomatiques» chez Emmanuel Macron – montre à quoi finalement va servir cette crise si l’Arabie Saoudite réussit à l’envenimer. Car le risque d’instabilité a été créé par la démission surprise du Premier ministre libanais qui a la double nationalité, libanaise et saoudienne, et se trouve en Arabie Saoudite.
H. A.
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