Quand Le Point cherche dans l’Algérie un «mystère» qui n’existe pas
Par Houari Achouri – L’annonce de la visite à Alger, le 6 décembre, du président français, Emmanuel Macron, a donné l’occasion au magazine d’actualité hebdomadaire Le Point de concocter un dossier annoncé en couverture sous le titre Algérie, un enjeu historique, avec un contenu plus exhaustif que les quelques pages consacrées, peu avant, par Le Monde au même «enjeu», mais toujours vu sous l’angle du microcosme algérois, qui, faut-il le rappeler, est tout sauf l’Algérie.
Il est significatif que le dossier s’ouvre sur un article qui commence, comme pour planter le décor, par le siège de la présidence à El-Mouradia, puis l’actuelle résidence du président Bouteflika à Zéralda, pour se hasarder ensuite dans les dédales des conjectures inspirées par le sérail et en sortir par un long portrait de… Saïd Bouteflika. Ce sont certainement les exigences de l’«enquête sur le pays le plus mystérieux du monde» qui commandent de chercher là la clé de l’«énigme».
Mais, l’Algérie est-elle un pays «mystérieux» dont il serait difficile de déchiffrer «l’énigme» ? Rien n’est moins sûr, sauf si on regarde notre pays sous le prisme médiatique français qui ignore la «constante» qui peut expliquer tout : l’attachement des Algériens à l’indépendance nationale, consensuel, voire unanime, moins quelques voix négligeables. Quand on admet cela, le reste est visible grâce à la transparence donnée par la liberté d’expression et d’opinion qui n’est, peut-être, pas toujours traduite dans la presse, mais qui est pratiquée sans limite dans les réunions des partis politiques et des associations de la société civile et surtout dans la rue, où tout se dit et se sait.
Pour les observateurs qui ne sont pas suffisamment immergés dans les réalités algériennes, il y a, en plus, les réseaux sociaux qui parlent de l’Algérie. Ils sont pleins de tout qui permet, moyennant d’admettre la fameuse «constante» et bien sûr un peu moins de prétention et un peu plus de jugeote, de comprendre ce qui se passe et ne pas craindre ce qui va se passer.
La lecture du dossier apprendra sans aucun doute aux lecteurs français profanes beaucoup de choses qu’ils ne savent pas sur l’Algérie, sur l’affaire Sonatrach, sur les clans dans le pouvoir et autour, sur le monde des affaires, celui de l’édition… Une lecture qui finit par être fastidieuse, sans révéler le «mystère», et pour cause, il n’existe pas. Quant aux lecteurs algériens, ils n’y trouveront presque rien de nouveau.
Le dossier du Point présente, en revanche, l’intérêt de faire connaître cet hebdomadaire au résidu de lectorat francophone. Le Point réussira-t-il ainsi à s’installer durablement dans le paysage médiatique de l’Algérie, occupé traditionnellement, s’agissant de la presse étrangère, par des «historiques» comme Le Monde, dont les lecteurs pourraient appartenir à deux générations d’Algériens ? Tout le monde sait que le lectorat en langue française a tendance à s’amenuiser, confiné à Alger et deux ou trois autres grandes villes, et donc la concurrence est rude pour la presse écrite qui vient de France.
H. A.
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