La France libère Saad Hariri séquestré à Riyad : le Liban est-il un Etat ?
Par Karim Bouali – Le ministre des Affaires étrangères dépêché par l’Elysée en Arabie Saoudite pour libérer le Premier ministre libanais, Saad Hariri, est rentré à Paris en ayant accompli sa mission sans coup férir. Comment Jean-Yves Le Drian a-t-il pu, en un temps record et avec autant de facilité, convaincre les autorités saoudiennes de permettre à leur hôte encombrant de s’envoler pour la France où l’attend Emmanuel Macron pour un débriefing ? Qu’a proposé la France pour que le très fébrile Mohamed Ben Salmane accepte de se passer de cette «carte» qui devait sans doute servir à négocier quelque deal avec on se sait trop qui ?
Beyrouth a fait montre, dans cette affaire d’Etat, d’une mollesse invraisemblable dans ce qui s’apparente à une agression flagrante d’une puissance étrangère. D’aucuns se demandent, après cette crise que la France est en train de régler à sa façon, si l’Etat libanais existe réellement ou si ce pays n’est qu’une excroissance créée par la France et née d’accords passés entre les anciennes puissances coloniales dont les conséquences sont effectives à ce jour.
Dans cette affaire de détention de Saad Hariri par le régime de Riyad, les supputations sont allées bon train, mais aucune explication n’a été donnée pour lever le voile sur cette démission forcée suivie d’un «rapt officiel». Certaines sources évoquent un prélude à un conflit ouvert entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, dans lequel le Liban, miné par les divisions confessionnelles, devrait servir de poste avancé. Or, au Liban, le Hezbollah chiite constitue une puissance de feu redoutable qui desservirait les visées de Riyad dans la région et ferait pencher la balance en faveur de Téhéran. Saad Hariri – homme des Français ou des Saoudiens ? – a-t-il été limogé pour n’avoir pas suffisamment agi pour affaiblir les milices de Hassan Nasrallah ou a-t-il refusé de raviver le feu de la discorde dans son pays, privilégiant ainsi la stabilité du Liban au détriment des intérêts de ses mentors du Golfe ?
Pour le moment, seule la France détient les clés de cette agitation qui n’augure rien de bon au Moyen-Orient. Le roi Salmane s’apprête à abdiquer officiellement en faveur de son fils dès cette semaine, ce qui pourrait accélérer l’exécution d’un plan belliqueux qui serait en préparation. Lequel ? Quand nous le saurons, il sera déjà trop tard.
K. B.
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