Cadavre putréfié
Par M. Aït Amara – Nos confrères qui crient à l’agonie de la presse nationale semblent ne pas se rendre compte que celle-ci est déjà morte de sa belle mort et que le cadavre du métier est entré dans sa phase de putréfaction depuis bien longtemps.
Il aura fallu que notre amie directrice du quotidien arabophone El-Fedjr observe une grève de la faim pour sauver son journal de la disparition pour que les journalistes – pas les directeurs, les journalistes ! – prennent conscience du coma dans lequel a été plongée leur corporation sans qu’ils aient eux-mêmes œuvré à sauver le métier d’informer qu’ils ont choisi d’exercer de l’emprise de l’argent et du pouvoir.
Qui a tué la presse ? Soyons honnêtes et répondons à cette question sans détours ! Qu’ont les pouvoirs publics à voir avec l’état de déliquescence et de déchéance dans lequel se trouvent nos médias qui ploient sous le poids de dettes abyssales, conséquence d’une mauvaise gestion des patrons de la presse qui se sont autoproclamés managers du jour au lendemain ? Quelle expérience avaient les journalistes qui se sont retrouvés à diriger des entreprises commerciales au lendemain de l’ouverture du champ médiatique, au début des années 1990, pour prétendre assurer à leurs journaux une prospérité et une stabilité à long terme ?
N’est-il pas illogique de quémander une publicité institutionnelle pour faire vivre un journal et se flatter, dans le même temps, de pouvoir assurer à sa ligne éditoriale une indépendance totale ? Qui a cru au mythe des «grands titres» – par opposition aux «petits journaux» tributaires de la publicité de l’Anep – qui auraient acquis leur autonomie et, donc, leur prémunition de toute influence politique ou financière ? Ces «grands titres» vivaient-ils de leurs ventes ou assuraient-ils leur rente grâce aux annonceurs privés des secteurs de l’automobile et de la téléphonie mobile notamment, qui, percutés eux-mêmes de plein fouet par la crise, ont dû réduire leurs budgets publicitaires de façon draconienne ? Ces «grands journaux» sont, aujourd’hui, à un espace entre deux mots de la faillite.
Qui faut-il défendre ? Les patrons de presse dont un grand nombre s’est embourgeoisé ou leurs employés des différents métiers – rédacteurs, correcteurs, infographistes, photographes – qui sombrent dans la misère et le désespoir ? La réponse est simple : il faut sauver le métier d’abord ! Comment ? Là est le problème…
M. A.-A.
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