Le chant traditionnel sarde s’invite à Alger par la voix d’Elena Ledda
La chanteuse italienne Elena Ledda a animé mardi soir à Alger un concert de chants traditionnels de l’île de Sardaigne (ouest de l’Italie) devant un public peu nombreux, venu apprécier des pièces du terroir italien, aux rythmes et aux mélodies méditerranéens proches du patrimoine musical algérien. Amaius (enchantement), intitulé du spectacle présenté à la salle Ibn Khaldoun par la chanteuse italienne et ses quatre musiciens, est une fresque invitant à une immersion dans les traditions de la Sardaigne, région méditerranéenne à la croisée des cultures sud-européenne et nord-africaine.
Evoquant l’amour de la patrie dans différentes situations de vie, Elena Ledda a restitué durant une heure de temps le déroulé d’une existence «paisible et heureuse» de l’Italien attaché depuis son jeune âge à sa terre natale et aux coutumes ancestrales, à travers une quinzaine de titres «cartes postales» de durées relativement courtes, imprégnés d’introductions dans l’esprit «istikhbar» et de rythmes ternaires similaires aux «berouali» algérien.
Dans une ambiance de grands soirs, la soprano italienne, soutenue par une orchestration de cordes de haute qualité, a rendu les pièces Gobbula, Anninnia, Soliana, Cantu a Dillu, Lillus de Maiu, Ballo Brincu, Akam, Su Patriortu Sardo (Ballo), Torrandi, Sceti Tui, I’l Colore del Maestra (instrumental), Arrosariu e Mortu Est, Gioga Gioga, Muttos et Pesa su Bally. Les instrumentistes Mauro Palmas à la mandole et au «liuto cantabile» (petit luth), Marcello Peghin à la guitare et Silvano Lobina à la guitare basse, présents sans percussions, ont brillé de professionnalisme et de technique, assurant une assise musicale confortable à la cantatrice qui, avec sa voix étoffée et puissante, se promenait allègrement sur les partitions pleines des différentes pièces, aux arrangements polyphoniques intelligents.
Mauro Palmas a particulièrement brillé de virtuosité, soutenant les solos qu’il interprétait par une maîtrise du jeu rythmique sur des mesures ternaires aux cadences irrégulières et un accompagnement harmonique très riche, avec les accords respectifs à chaque passage mélodique, joués simultanément dans le mouvement de la percussion et en arpèges. Au-delà des explications données en italien entre les pièces, le public, prenant part à ce voyage poétique, a dû se référer aux onomatopées et à la gestuelle utilisées dans certains des titres par la chanteuse et sa vocaliste Simonetta Soro, ainsi qu’à l’ambiance qui s’y dégageait pour en saisir le contenu.
Plus que le public algérois, l’ambassadeur d’Italie en Algérie, Pasquale Ferrara, et quelques-uns de ses compatriotes ont savouré dans l’allégresse et la délectation chaque pièce du répertoire choisi par Elena Ledda, qui renvoie dans un élan nostalgique au mode de vie à l’italienne, à l’instar de Gioga, Gioga qui reprend toutes les chansons illustrant les jeux infantiles, en Sardaigne notamment.
Née en 1959 en Sardaigne, Elena Ledda, «soprano dramatique», s’est intéressée très jeune à la musique traditionnelle, recevant ses premiers cours de chant classique au Conservatoire Pierluigi da Palestrina de Cagliari. Durant les années 1970, elle est distribuée dans plusieurs pièces de théâtre célèbres, puis elle opte d’abord pour le chant classique, avec un intérêt prononcé aux musiques anciennes, datant du moyen-âge au baroque, avant de se consacrer à la musique traditionnelle sarde. Dotée d’une voix puissante, à la tessiture large, Elena Ledda, qui compte à son actif 16 CD, dont Cantandi A Deu et Live at Jazz in Sardegna, étalés sur une trentaine d’années, a fait connaître la musique traditionnelle sarde à travers le monde grâce à son répertoire qui «vivifie la mémoire du chant du terroir».
R. C.