Riyad construit-il sa nouvelle alliance avec Israël contre l’Iran ?
Par Houari Achouri – C’est par les médias israéliens que l’on a appris qu’une délégation saoudienne, «de haut niveau», tiennent-ils à préciser, s’est rendue à la grande synagogue de Paris. Les Israéliens ont qualifié ce geste de «petit pas» qu’ils n’ont pas hésité à faire connaître à l’opinion publique arabe. Pourquoi une telle précipitation chez les Al-Saoud à changer de cap dans leur politique à l’égard d’Israël, quitte à faire un virage à 180°? Et surtout, pourquoi évitent-ils d’en parler ?
Une des photos souvenirs postées sur Twitter par les Israéliens montre le secrétaire général de la Ligue islamique mondiale, Muhammad al-Issa, et l’ambassadeur d’Arabie Saoudite en France aux côtés du grand rabbin de France, Haïm Korsia, et d’autres dignitaires religieux israéliens à l’intérieur de la synagogue. L’air détendu et satisfait arboré par les hôtes israéliens contraste avec le sourire pas du tout franc, plutôt crispé, des deux Saoudiens. Cette gêne évidente vient-elle du fait que l’Arabie Saoudite n’entretient pas de relations diplomatiques officielles avec Israël ?
Les journaux israéliens ont insisté sur le côté convivial, voire amical de la visite qui s’est achevée «dans le bureau du rabbin Moshé Sebbag autour d’une tasse de thé et de gâteaux», laissant sans doute entendre qu’elle avait une signification politique liée au rapprochement entre les deux pays. Or, c’est peut-être ce que veulent éviter les Al-Saoud, qui pensent que leur démarche des «petits pas» doit rester discrète, en attendant que des circonstances «favorables», comme un conflit ouvert avec l’Iran, leur permettent de déclarer au grand jour leur nouvelle alliance.
Dernièrement, le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, a déclaré qu’«il n’y a pas de liens entre l’Arabie Saoudite et Israël». Son démenti vient après les déclarations du ministre israélien de l’Energie lors d’une interview sur la Radio militaire, qui a révélé que l’Etat hébreu avait eu des contacts secrets avec l’Arabie Saoudite, notamment concernant l’inquiétude commune des deux pays sur l’Iran. De son côté, le chef d’état-major israélien a déclaré que l’Etat hébreu était prêt à partager du renseignement avec le royaume saoudien.
D’autre part, il est clair que l’Arabie Saoudite connaît des changements subits. La question est de savoir pourquoi ? Y a-t-il une guerre contre le wahhabisme, comme l’indiquent les informations sur la volonté d’effacer l’image d’un pays guidé par une idéologie religieuse extrémiste qui alimente le terrorisme international ? Ou s’agit-il d’une guerre contre «l’argent sale» ? Les arrestations surprenantes de personnalités jusqu’alors intouchables et l’accusation qui leur a été collée de corruption sont des faits concrets.
L’Arabie Saoudite cherche-t-elle à s’ouvrir aux autres religions, chrétienne et juive ? On comprendrait alors le sens de la visite effectuée à la grande synagogue de Paris par le secrétaire général de la Ligue islamique mondiale accompagné de l’ambassadeur d’Arabie Saoudite en France. Mais, dans ce cas, pourquoi s’en prendre aux musulmans chiites ? Il est donc évident que toute la démarche de l’Arabie Saoudite vise à construire une alliance militaire avec Israël dirigée contre l’Iran.
H. A.
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