Hommage à Stevan Labudovic, Serbe et moudjahid
Par Houari Achouri – L’Algérie rend un hommage mérité au Serbe Stevan Labudovic qui a prouvé plus que son amitié pour notre peuple dans les moments difficiles de notre lutte pour l’indépendance face à l’armée coloniale française qui était soutenue, elle, par l’Otan.
Vêtu de l’uniforme de l’Armée de libération nationale (ALN) et avec pour arme une caméra entre les mains, Stevan Labudovic a participé à la guerre pour l’indépendance en filmant et en photographiant dans les maquis des Aurès, au péril de sa vie, le combat des moudjahidine. Il n’a pas usurpé le titre de moudjahid, lui qui était citoyen de Yougoslavie, un pays qui avait lui aussi mené un dur combat de partisans contre le fascisme et pour la liberté.
Homme de convictions et cinéaste engagé, le moudjahid Stevan Labudovic a participé de la même façon que René Vauthier et Pierre Clément, à la lutte armée pour mettre fin à l’occupation coloniale en Algérie et, comme eux, il a une part dans la victoire du peuple algérien. On lui doit les images qui ont immortalisé l’Algérie dans la Guerre de Libération et qui ont permis de faire connaître notre cause auprès de l’opinion publique internationale en mettant en échec la propagande coloniale. Selon le témoignage du défunt cinéaste Amar Laskri, il a filmé 83 kilomètres de pellicules. Le «fonds Labudovic», c’est-à-dire ses 27 films et 274 photographies durant la guerre d’Algérie, se trouve aux Archives nationales.
La réalisatrice serbe Mila Turajlic, qui l’a évoqué dans un documentaire, raconte comment «la vie de Stevan Labudovic a connu un tournant inattendu en 1959, lorsqu’une délégation du FLN est venue chercher du soutien auprès du président de la république fédérale de Yougoslavie, Josip Bros Tito, qui, en plus d’une assistance sous forme d’armes et d’uniformes, envoie son cameraman avec pour mission de prendre des photos qui aideront les Algériens à présenter au monde leur guerre pour se libérer du colonialisme français». «Envoyé en Algérie pour une mission de trois mois, Stevan Labudovic est resté avec l’uniforme de l’ALN pendant trois ans, jusqu’à l’indépendance», écrit-elle.
Stevan Labudovic a rejoint les maquis dans les Aurès à partir de la frontière tunisienne dès 1959. Mila Turajlic rappelle qu’il jouit en Algérie d’un statut de héros national ; son appareil photo et tout son équipement sont exposés au Musée national du moudjahid.
Une cérémonie avait été organisée en son honneur, en 2007, au siège des Archives nationales.
En 2012, Stevan Labudovic a été décoré de la médaille du Mérite par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, à l’occasion de la célébration du cinquantième anniversaire de l’indépendance nationale. En 2014, il a également reçu le prix d’honneur lors du 5e Festival du film engagé d’Alger. Il est l’un des fondateurs de l’Association des amis de l’Algérie à Belgrade, capitale serbe.
Dans le documentaire de Mila Turajlic qui dresse le portrait de cet opérateur yougoslave hors du commun, on entend Stevan Labudovic dire : «Je savais que la liberté viendrait un jour. Même si je ne suis plus là pour la voir, j’aurais laissé une trace derrière moi, j’aurais montré le prix de la liberté et ses sacrifices.»
Le documentaire nous apprend que Stevan Labudovic a également filmé la lutte contre l’occupation en Palestine, au Mozambique et en Angola ainsi que les Sommets des non-alignés.
Stevan Labudovic habitait dans un modeste appartement à la périphérie de Belgrade. Il est décédé samedi, à l’âge de 91 ans, dans cette ville, ont annoncé des médias serbes.
H. A.
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