Le syndrome algérien
Par Aziz Ghedia – A la question «connaissez-vous le syndrome algérien ?», je n’ai pratiquement pas eu de réponse. En effet, si personne ne semble connaître ce diagnostic, c’est parce qu’il n’existe tout simplement pas. Mais, au point où on en est, en Algérie, sur le plan politique évidemment, il est temps d’y songer sérieusement. Alors, sans plus tarder, faisons une petite digression à propos de ce syndrome, qui reste, du moins pour l’instant, une simple vue de l’esprit… d’un esprit probablement dérangé, comme on pourrait peut-être me le faire remarquer.
La définition que j’en donne est simple : c’est le fait de s’obstiner, de s’entêter à reconduire la même personne au même poste (politique ou autre), alors que l’on sait que cette personne, du fait de sa maladie au long cours et de sa morbidité, est incapable d’assumer une telle fonction.
En tant que médecin, j’ai longuement réfléchi à cette question et j’ai fini par trouver cette définition qui devrait normalement faire consensus au sein de la communauté médicale nationale.
De ce fait, j’invite tous les confrères algériens et en particulier les psychiatres et les psychologues de se pencher sérieusement sur cette question et d’essayer de classer ce diagnostic dans un cadre nosologique précis.
Mais, n’oubliez pas que la paternité de ce néologisme, de ce diagnostic qui reste à décrire de façon beaucoup plus approfondie, me revient de droit. Je compte, d’ailleurs, saisir l’Onda à cet égard.
En fait, tout ce préambule n’est qu’une forme de plaisanterie. Une plaisanterie qui va peut-être provoquer le sourire de certains, ceux qui ont le sens de l’humour, et l’ire d’autres, l’ire de ceux qui ont largement contribué, par leur comportement irréfléchi, à la possibilité qu’un tel syndrome puisse devenir dans un proche avenir une réalité.
Entrons donc dans le vif du sujet.
Savez-vous qu’en Algérie, il y a pratiquement une soixantaine de partis politiques. Ils activent de façon régulière pour les plus grosses pointures (FLN, RND, FFS, RCD, PT, Jil Jadid, partis islamistes) et occasionnellement, à l’approche d’échéances électorales, pour les autres, ceux qu’on appelle les petits partis. Théoriquement donc, il y a autant de candidats qui sont présidentiables. Or, quand il s’agit d’évoquer le prochain mandat présidentiel, qui aura lieu en 2019, tous les regards se tournent vers celui qui occupe actuellement la «chaise» d’El-Mouradia. Même les partis qui sont pourtant censés être dans l’opposition trouvent la chose normale. Ou alors, ceux-ci préfèrent pour l’instant garder le silence pour ne pas s’attirer les foudres des «faiseurs de rois». Comme si en dehors de cet homme, très largement diminué, d’ailleurs, sur le plan physique et cognitif depuis qu’un AVC l’a fixé sur sa chaise, il n’y a point de candidat pouvant assumer la charge présidentielle. On l’a déjà reconduit à cette fonction malgré son handicap. C’était le 4e mandat pour lequel, nous, en tant que parti politique (Jil Jadid), nous avions émis plus que des réserves… Et on compte le reconduire encore et encore pour peu qu’il reste encore en vie. Même végétative.
C’est cette forme d’empathie à un homme qui, du fait de sa longue absence de la scène politique algérienne, n’exerce plus à proprement parler sa fonction présidentielle (admettons cela) qu’on pourrait qualifier de «syndrome algérien».
C’est cette forme d’aliénation mentale qui semble toucher tous les hommes politiques et tous les partis politiques (à l’exception de quelques-uns) que je qualifierai volontiers, personnellement, de «syndrome algérien», même si ce concept n’a pour l’instant aucune existence en tant qu’entité clinique à part entière de la part des médecins.
A. G.
Membre fondateur de Jil Jadid
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