Comment les médias marocains ont interprété le geste d’Ouyahia à Abidjan
Par R. Mahmoudi – La spontanéité et le panache avec lesquels le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a répondu à un journaliste marocain, qui l’avait apostrophé à sa sortie hier des travaux du Sommet Union africaine-Union européenne, a à la fois surpris et désarçonné cette presse à la solde du Makhzen, qui croyait peut-être pouvoir lui arracher un mot ou un geste susceptibles de ranimer les tensions entre les deux pays et qui espérait sans doute le voir dans une posture plutôt gênée ou timorée pour continuer à offenser l’Algérie.
Car, déjà dans leurs premiers commentaires, les journaux marocains à l’unisson tentaient d’occulter ou de minimiser le geste qu’a eu Ahmed Ouyahia envers Mohammed VI en venant le saluer seul. Ils trouvaient même cela très normal, dans le sens où le roi était, à leurs yeux, «la vedette» de ce sommet afro-européen. Certains titres ont vu dans les mondanités de Mohammed VI à Abidjan la preuve suffisante qu’il avait réussi à marginaliser l’Algérie et le Sahara Occidental, représentée par la RASD.
Ouyahia, sans avoir programmé sa réponse au journaliste marocain, puisqu’il a été interpellé, s’est astreint à un commentaire purement diplomatique, en disant qu’il avait «transmis (au roi) les salutations du peuple algérien et celles du président de la République». Un geste qu’il considère «tout à fait naturel entre voisins». Cela dit, en diplomatie, une telle déclaration traduit une réelle volonté d’apaisement, mais sans conditionnalité ni autres préalables, registre dans lequel excelle Rabat en ressortant systématiquement l’histoire de la fermeture des frontières terrestres.
Or, pour Alger, un réel dégel des relations doit commencer par un arrêt immédiat de cette campagne hystérique dans la presse et les médias alternatifs, pour laisser s’instaurer un nouveau climat de confiance mutuelle et de fraternité retrouvée. C’est le message adressé par Ouyahia à la presse en acceptant de répondre si fraternellement à un journaliste qui était – par hasard ?- de la presse en ligne. Cette presse l’a-t-il saisi ? Ou doit-elle attendre les instructions du Makhzen pour se construire une opinion ? A voir le très peu de commentaires sur cette apparition inattendue du Premier ministre algérien, on sent qu’en haut lieu, on n’a pas encore digéré ce «coup d’éventail diplomatique» du voisin de l’Est.
R. M.
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