Naguib Sawiris a-t-il des comptes à régler avec le prince héritier saoudien ?
Par Houari Achouri – Le magnat égyptien Naguib Sawiris, qui dirige le groupe familial Orascom – présent dans divers secteurs dont les télécommunications et le bâtiment, mais aussi les mines –, s’en est pris de façon étrange au prince héritier saoudien Mohamed Ben Salmane, lui reprochant de mettre en prison des hommes d’affaires sans aucune forme de procès. En fait, c’est la campagne anticorruption menée en Arabie Saoudite qui ne lui plaît pas.
Sawiris prétend que cette campagne se fait en violation de l’Etat de droit – comme s’il existait en Arabie Saoudite – et qu’elle décourage l’investissement, autre argument incongru. Il parle de transparence et de loi pour un pays classé «non libre» au plan des libertés politiques et parmi les derniers dans le monde pour la liberté de la presse. Mais il se garde de parler de cette question de fond qui touche à la nature despotique et injuste du régime incarné par les Al-Saoud. Il se limite à défendre la cause des princes et hommes d’affaires emprisonnés.
Le patron d’Orascom semble trouver normal que les hommes d’affaires saoudiens soient corrompus. Il interpelle même, dans ce sens, selon Russia Today, le prince héritier sur l’origine de sa fortune : «D’où avez-vous reçu votre argent ?» Mais il reste tout de même prudent. Il rééquilibre un peu son tir puisque, dans la foulée, selon la même source, Sawiris s’attaque aussi à l’Iran qu’il accuse de s’ingérer dans les affaires de ses voisins et condamne le Qatar pour avoir financé des groupes terroristes. Il veut montrer que les ennemis des Al-Saoud sont également ses ennemis.
Pourquoi cette attaque inattendue de Sawiris contre le nouvel homme fort d’Arabie Saoudite, Mohamed Ben Salmane ? Une lointaine revanche pour avoir été empêché de s’emparer du marché très juteux de la téléphonie mobile dans ce pays ? Le groupe Orascom a tenté à plusieurs reprises, sans succès, de mettre les pieds en Arabie Saoudite. Sa branche «construction» projetait à un moment de réaliser une cimenterie en joint-venture avec le groupe saoudien Khayyat.
Naguib Sawiris n’est évidemment pas un inconnu des Algériens. Son nom est souvent cité dans les médias pour ses démêlés avec l’Etat algérien. En juin dernier, il a perdu la procédure d’arbitrage intenté contre notre Etat dans laquelle il réclamait cinq milliards de dollars de dommages et intérêts, selon le verdict rendu par le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi), relevant de la Banque mondiale. L’entreprise de Sawiris, Orascom TMT Investment, doit également payer 2,84 millions de dollars et 58 382,16 euros à l’Etat algérien pour l’indemniser pour les frais juridiques et dépenses qu’il avait engagé durant cette procédure arbitrale.
Il y a moins d’un mois, le Cirdi a procédé à l’installation d’un comité ad hoc pour statuer sur le recours introduit par Orascom TMT Investment. Le comité devrait statuer sur une demande d’annulation du verdict rendu le 31 mai dernier par le Cirdi et qui a été en faveur de l’Algérie.
H. A.
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