Libération des mœurs en Arabie Saoudite : le roi Salman bride son fils
Par R. Mahmoudi – Lancée par le prince héritier, Mohamed Ben Salman, la modernisation de l’Arabie Saoudite semblait s’accélérer à une vitesse vertigineuse. Les choses sont-elles allées trop vite ? Dimanche, un défilé de mode «mixte» et animé par des femmes non voilées – une première dans la monarchie wahhabite –, organisé dans la capitale Riyad par une association, a suscité de vives réactions. Les avis étaient partagés entre ceux qui approuvent une telle initiative, au nom de l’ouverture sur le monde, et ceux, plus nombreux, qui se sentent outrés et considèrent ce défilé comme une «très grave dérive» et «contraire aux valeurs et aux mœurs islamiques».
Présent dans la salle, Ghassan Ben Ahmed Soleiman, un haut cadre au ministère du Commerce et des Investissements, avait été le premier à louer cette initiative dans une déclaration à la télévision, avant de se raviser quelques heures plus tard, à travers des tweets, en se disant «scandalisé» par ce qu’il a vu (au défilé de mode) et qu’il ignorait, avant de s’y rendre, ce qui allait être proposé aux invités. Mais c’était trop tard pour lui, puisque le roi Salman Ben Abdelaziz l’a démis de ses fonctions le jour même par un décret royal, comme l’a rapporté la presse saoudienne.
Cette décision du roi, par sa brutalité et surtout sa solennité, montre les limites de cette entreprise de modernisation et de libération des mœurs engagée à un rythme effréné par un prince qui, après la neutralisation de tous ses rivaux, semblait s’adjuger tous les pouvoirs, au moment où son père donnait l’impression de ne plus commander et d’être prêt à céder le trône à son fils.
Sur sa lancée, le trublion prince avait pris une succession de mesures qui promettaient de révolutionner une monarchie qui est considérée comme la plus fermée du monde. Ainsi a-t-il dissous le terrible Comité de la promotion de la vertu et de la lutte contre le vice, qui faisait office de police des mœurs, sans rencontrer la moindre résistance. Puis, il a ordonné que les Saoudiennes soient autorisées à conduire, encouragé la multiplication de galas, y compris un concert de musique techno. Dans une de ses déclarations, Mohamed Ben Salman s’est engagé à faire entrer son pays dans l’ère de la modernité, en combattant l’extrémisme religieux qui fonde l’idéologie de son régime, en prônant un islam du «juste milieu» et en promettant, entre autres, d’expurger les hadiths controversés.
Le train des réformes prenait une telle vitesse que tout le monde se demandait jusqu’où pouvait aller ce nouveau prince d’Arabie. Le père semble y avoir mis un frein.
R. M.
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