Illusions algéroises
Par Kamel Moulfi – Le tout petit parcours que devrait emprunter le président français, Emmanuel Macron, dans la capitale pour un furtif bain de foule a fait l’objet d’une attention exceptionnelle de la part des services de la voirie de la wilaya d’Alger. Une mobilisation rare, mais qui n’est pas sans précédent. Tout doit briller. Les Algériens des villes de l’intérieur du pays l’ont déjà constaté à la veille d’une visite de leur président ou du Premier ministre. Pas de trottoirs défoncés, pas de flaques de boue, pas d’ordures jetées et oubliées, pas de salissures sur les murs… Au contraire, plein d’espaces verts et de pots de fleurs. Le temps du passage des officiels.
Pour recevoir le président français à l’occasion d’une simple «visite de travail» d’à peine une douzaine d’heures, le même manège a été actionné et a tourné tambour battant pendant deux jours, malgré la pluie et le froid. Au centre d’Alger, de la place Audin jusqu’à la place Emir-Abdelkader, en passant par la partie de la rue Didouche-Mourad qui longe l’Université Benyoucef-Ben-Khedda, puis la rue Ben-M’hidi, tout a été nettoyé, les trous des trottoirs comblés, les lampadaires repeints et les lampes remplacées. Les façades de l’université ont été ravalées, la grille principale rouverte et, à l’intérieur, les étudiants n’en reviennent pas, quel bonheur ! En fait, quelle dérision !
Quand est-ce que les autorités perdront-elles cette habitude de ne mobiliser les moyens des services de la voirie que pour camoufler, rafistoler, déguiser, cacher ce qui fait honte, le temps du passage éphémère d’un président, français en l’occurrence ? Puis la crasse reprendra ses droits et les terrasses de cafés retrouveront leurs bunkers.
Pour les riverains et ceux qui passent quotidiennement par ces lieux, c’est tant mieux ; ce branle-bas de combat est une aubaine. Avoir des espaces publics propres, soudainement, c’est plutôt une surprise agréable, s’il y avait derrière une réelle volonté des autorités locales de rendre la vie meilleure pour tous. Mais, pour ne pas s’illusionner, il faut parcourir quelques mètres au-delà du périmètre privilégié pour retrouver l’amère réalité des trottoirs défoncés et sales. Personne d’officiel ne passe par là…
K. M.
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