Le dernier message de l’ex-président yéménite assassiné à son peuple
Par Sadek Sahraoui – Sam Al-Ghobari, un journaliste yéménite, se disant membre du Congrès populaire général, a publié aujourd’hui sur son compte Twitter un document qu’il décrit comme étant une lettre écrite par l’ancien président yéménite Ali Abdallah Saleh, quelques heures avant qu’il soit assassiné, lundi, par les Houthis, ses alliés contre l’Arabie Saoudite dont il voulait se séparer. Mais concrètement, il n’est pas possible de savoir si cette lettre est authentique ou pas.
Quoi qu’il en soit, cet écrit est pour ce journaliste un testament. Dans cette lettre d’une page, Ali Abdallah Saleh appelle les Yéménites à «ne pas céder face à ces milices criminelles (les Houthis, ndlr)». «Si vous trouvez cette lettre, sachez que le pays est précieux et qu’il ne faut pas le négliger. Mon conseil aux enfants du Yémen est qu’il ne faut pas céder face à ces milices criminelles, qu’il ne faut pas leur livrer le Yémen républicain», aurait écrit Ali Abdallah Saleh, tout en appelant son camp à devenir «le cauchemar de ces milices».
Le contenu de cette lettre laisse penser qu’Ali Abdallah Saleh se sentait menacé ou même trahi par son entourage, qu’il accuse d’être à la solde de l’Iran. «En ce moment précis, je me vois parmi les nombreux traîtres qui ont vendu le Yémen à bon marché», a-t-il dit, avant de saluer le «grand peuple yéménite» auquel il donne rendez-vous «au plus haut Paradis». Il est clair, pour Sam Ghobari, qu’Ali Abdallah Saleh a été trahi par «ceux qui avaient la confiance des hachémites et qui ont infiltré le Congrès général du peuple et les toutes les institutions de l’Etat».
Personnage central de l’Etat pendant plus de trois décennies, l’ex-président yéménite a été tué lundi par des rebelles houthis quelques jours après avoir rompu son alliance avec ces insurgés soutenus par l’Iran. La nouvelle de sa mort a provoqué une escalade de violence dans la capitale, Sanaa, où des affrontements entre Houthis et partisans de Saleh ont fait 234 morts et 400 blessés depuis vendredi, selon le Comité international de la Croix-Rouge.
Ali Abdallah Saleh a accédé au pouvoir en tant que dirigeant du Yémen du Nord en 1978 et a été nommé premier président du Yémen unifié en 1990. Longtemps allié de l’Arabie Saoudite, il a démissionné à contrecœur en 2012, alors que des protestations de rue réclamant son départ devenaient de plus en plus sanglantes. Deux ans plus tard, il s’est allié aux Houthis, issus de la minorité zaïdite (une branche du chiisme) très présente dans le nord du Yémen, alors qu’il les avait violemment combattus sous sa présidence. Cette alliance scellée en septembre 2014 a permis de chasser de la capitale le successeur de Saleh, le président Abd Rabbo Mansour Hadi, reconnu par la communauté internationale et soutenu par l’Arabie Saoudite.
L’alliance Saleh-Houthis, mise à l’épreuve par des différends sur l’argent, le partage du pouvoir et la stratégie, a volé en éclats samedi dernier quand l’ex-président a annoncé qu’il était prêt à «tourner la page» avec l’Arabie Saoudite, entraînant des accusations de «haute trahison» de la part des rebelles. Pour beaucoup, l’ex-Président – accusé de corruption par l’ONU et de discriminations par des Yéménites du Nord et du Sud – était un symbole d’oppression, car ils le jugent responsable de la situation actuelle du pays, ravagé par des épidémies et au bord de la famine.
S. S.
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