Isolé, le Qatar se résout à acheter la protection de la France
Par Sadek Sahraoui – En conflit ouvert avec l’Arabie Saoudite, son puissant voisin, et d’autres membres influents du Conseil de coopération du Golfe (CCG), le Qatar a décidé de s’offrir la protection de la France pour parer à toute éventualité. Pour cela, l’émir Tamim Ben Hamad Al-Thani a accepté de mettre le prix, au grand bonheur du président français, Emmanuel Macron, qui se trouve ce jeudi à Doha.
Depuis le 5 juin dernier, le Qatar fait l’objet d’un blocus économique et diplomatique de la part de ses voisins sunnites du Golfe – principalement l’Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis – qui l’accusent de soutenir des groupes extrémistes et d’être trop proche de l’Iran chiite. Ces deux pays menacent régulièrement d’écraser le Qatar.
Emmanuel Macron a donc parsemé son périple présidentiel de quelques très bonnes nouvelles pour un certain nombre de groupes français du transport et de la défense, au premier rang desquels RATP, SNCF et Dassault Aviation. Au total, ce sont plus de 11 milliards d’euros de contrats qui sont confirmés ou annoncés – 11,1 milliards précisément – et tombent dans l’escarcelle de l’industrie française.
A ce propos, des sources soutiennent qu’Emmanuel Macron a réussi à faire avancer des dossiers d’armement, l’un concernant les avions Rafale, l’autre les véhicules blindés. Le Qatar a levé l’option sur douze Rafale, estimée à 1,1 milliard d’euros, accompagnant les 24 commandés en avril 2015. Les négociations avaient débuté deux ans auparavant, début 2013, et s’étaient accélérées avec le nouvel émir Tamim Ben Hamad Al-Thani. «Mon père avait promis d’acquérir cet avion, je l’achèterai», avait-il confié, en février 2014, au ministre de la Défense de l’époque, Jean-Yves Le Drian. Le contrat d’alors était de 6,3 milliards d’euros en incluant un développement de l’avion et la formation en France de 36 pilotes et d’une centaine de mécaniciens.
Entre le versement de l’acompte et la livraison du premier appareil, il faut généralement attendre trois ans, le temps de la fabrication. Les premiers des 36 Rafale destinés au Qatar sortiront des chaînes d’assemblage de Mérignac, en Gironde, à la fin de l’année 2018 ou début 2019. Les livraisons devraient s’étaler sur deux ans pour la commande ferme, mais aucun calendrier n’a été communiqué pour les douze supplémentaires. Comme l’Inde ou l’Egypte, le Qatar possède déjà des avions Dassault : douze Mirage 2000.
Autre avancée : la signature d’une lettre d’intention pour l’achat de 490 véhicules blindés de combat d’infanterie de Nexter pour un montant d’au moins 1,5 milliard d’euros pouvant aller jusqu’à 3,2 milliards selon l’armement choisi. La campagne a débuté en 2014 ; si les négociations aboutissent, il s’agira du premier succès à l’exportation de ce blindé à huit roues de 30 tonnes après de nombreux échecs. Le contrat pourrait être signé en 2018. Jusqu’à présent, seule la France en est dotée (630 véhicules).
Et ce n’est là que la face visible des contrats signés entre les deux pays.
S. S.
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