Marches de lycéens en Kabylie pour la promotion de tamazight
Par Hani Abdi et R. Mahmoudi – L’affaire du rejet à l’APN d’un amendement relatif à la promotion de tamazight prend une tournure inattendue en Kabylie. Après les grèves enclenchées dans les universités de Tizi Ouzou et de Béjaïa, des lycéens commencent à sortir dans la rue pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme une attitude contraire à la Constitution. Dans la commune d’Amalou, dans la wilaya de Béjaïa, des dizaines de lycéens ont protesté, exhibant des banderoles dans lesquelles on pouvait lire «Anerez wala anneknu (plutôt rompre que plier)». Ces lycéens ont arboré le drapeau berbère.
Des rassemblements ont eu lieu à Kherrata, à Sidi Aïch et dans d’autres localités moins connues de Kabylie. Des appels à des marches ont été lancés pour la journée de lundi 11 décembre dans toute la Kabylie. Ce vent de «colère» qui nous rappelle le fameux boycott scolaire de 1994 se propage ailleurs, notamment à Boumerdès, à Bouira et dans certaines régions de Sétif et même aux Aurès. Ces protestations auraient pu être évitées si la Commission des finances de l’Assemblée populaire nationale (APN) avait mieux communiqué sur le fameux amendement rejeté.
Des organisations et des icônes, notamment du mouvement associatif, appellent à la vigilance et à la sagesse pour éviter de tomber dans la manipulation et d’arriver à l’irréparable. C’est le cas de Brahim Tazaghart, un militant berbériste qui lutte pour la promotion de tamazight qui appelle les lycéens à rester dans les écoles en expliquant que le combat doit être mené autrement.
Les partis politiques ancrés dans la région, à savoir le FFS et le RCD, se mettent à l’écart de ce mouvement de colère qui prend une trajectoire inconnue. L’inquiétude est telle que même Ould Ali El Hadi, ministre de la Jeunesse et des Sports et ancien membre du Mouvement culturel berbère (MCB), a dénoncé une «campagne de déstabilisation menée par des parties en propageant de vraies-fausses informations sur le refus de l’APN de voter une loi sur la prise en charge de tamazight». Le ministre a affirmé que tamazight en tant que langue nationale et officielle «n’a guère besoin de loi spécifique pour sa prise en charge dès lors, a-t-il souligné, qu’elle l’est de fait de par son statut de langue nationale et officielle de tout le peuple algérien».
Le RPK prévient contre les risques de dérapage
Dans une déclaration adressée à la rédaction, et signée par son coordinateur, Hamou Boumediene, le Rassemblement pour la Kabylie (RPK) tient à apporter son soutien aux lycéens et étudiants qui sont descendus ces derniers jours dans la rue pour protester contre le rejet à l’APN d’une loi sur la promotion de tamazight, tout en prévenant contre les risques de manipulations et de dérives qui peuvent mener à la violence. «Sans clarification des objectifs et des enjeux, sans revendication claire, affirme le RPK, c’est à coup sûr rééditer les impasses auxquelles sont arrivés le Mouvement culturel berbère dans les années 1990 et le mouvement citoyen de 2001».
Pointant l’attitude «hégémonique et archaïque» du système politique algérien, le RPK estime que la représentation nationale parlementaire avec un mode majoritaire «ne sera jamais la solution démocratique pour traiter des questions identitaires, culturelles et linguistiques dans un pays multiculturel et multilingue comme l’Algérie», en arguant que ces questions existentielles relevant du droit naturel «ne peuvent être soumises à un vote car aucune communauté, aucun individu ne peut accepter que son identité soit soumise à l’approbation des autres».
Revendiquant une forme de régionalisation, moins loin des schémas séparatistes du MAK, le RPK juge nécessaire une refondation de l’Etat sur la base d’une forme de démocratie «qui a fait ses preuves dans d’autres sociétés plurales donnant le droit aux communautés de gérer leurs spécificités à travers une autonomie politique consacrant la mise en place d’un parlement et d’un gouvernement régional». Enfin, il appelle la jeunesse en Kabylie à recentrer son combat autour d’une question primordiale : la reconnaissance des droits collectifs.
H. A. et R. M.
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