Tamazight instrumentalisée : qui veut rééditer le «printemps noir» en Kabylie ?
Par Houari Achouri – Vraie ou fausse, authentique ou manipulée, l’information sur le rejet par l’Assemblée populaire nationale (APN) d’un projet de loi visant à financer l’extension de tamazight dans le pays a produit son effet déclencheur. Les dernières nouvelles indiquent que le mouvement de contestation des lycéens et étudiants en Kabylie se propage et bénéficie, même parfois, du soutien d’élus locaux. On parle de démonstration de force à Akbou où des milliers de personnes ont investi la rue, de marches des lycéens des localités de la côte est de Béjaia, d’une grève dans la plupart des lycées de cette wilaya. On parle aussi de la wilaya de Bouira qui rejoint le mouvement, de localités dans la wilaya de Sétif qui en font autant et de marches dans la plupart des communes de Tizi Ouzou.
Cette agitation contraste avec le «calme plat» apparent dans d’autres régions du pays où les populations sont moins vulnérables à ce genre de provocation. Ce qui amène les observateurs qui ont une bonne connaissance de la Kabylie et de l’agitation qui la secoue, pour une raison ou une autre, quasiment en permanence, à estimer que ce qui se passe actuellement n’est pas «innocent». Ils posent la question de savoir pourquoi «on» cherche à déstabiliser la Kabylie et pensent qu’à travers cette région, c’est, en fait, toute l’Algérie qui est visée, en actionnant la provocation qui fait mouche à tous les coups, celle d’une prétendue attaque contre tamazight. Et surtout, ils s’interrogent : qui veut rééditer le «printemps noir» en Kabylie ?
Mais le plus surprenant, «c’est cette attitude laxiste des institutions et de la classe politique devant un péril en marche», comme le relève l’édito d’AP qui souligne que le silence des partis qui ont pignon sur rue en Kabylie «en dit long sur leur incapacité à canaliser la révolte si jamais elle éclate». Toujours est-il que les dirigeants «historiques» du mouvement identitaire en Kabylie, en général, devenus militants dans des partis politiques, ne sont pas écoutés par la nouvelle génération qui a été sensible à cette information, savamment manipulée.
Les appels au calme des personnalités politiques de la Kabylie, issues pourtant elles-mêmes du mouvement contestataire d’avril 1980, restent sans écho parmi les jeunes qui semblent vouloir en découdre. Ils n’ont, d’ailleurs, pas attendu le mois symbolique d’avril pour lancer leur mouvement. Il est certain qu’à la faveur des manifestations et grèves chez les lycéens et étudiants en Kabylie, de nouveaux leaders apparaîtront, et c’est avec eux qu’il faudra discuter.
En réaction, de toute évidence, à ce mouvement, le Haut Commissariat à l’amazighité (HCA) a fait connaître ses actions futures prévues en 2018 dont «l’objectif principal est la généralisation et la socialisation de la langue amazighe à travers tout le pays», selon les propos de son secrétaire général, Si El-Hachemi Assad. C’est la seule réaction institutionnelle connue à ce jour alors que le péril en la demeure se fait plus en plus menaçant. Mais il faudra sans doute plus que cela pour arriver à empêcher le grave dérapage qui se dessine.
H. A.
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