La rue gronde en Tunisie : vers un retour aux émeutes généralisées de 2011 ?
Par Sadek Sahraoui – La Tunisie seraient-elle sur le point de revivre un remake de la Révolution du jasmin ? Tout porte à le croire au regard du nombre de protestations qui parsèment la patrie de Bourguiba. La ville de Meknassi a, par exemple, connu ce week-end des manifestations de grande ampleur qui ont pratiquement bloqué tout le gouvernorat de Sidi Bouzid. Les manifestants ont coupé les routes avec des pneus en feu et vidé les camions de phosphate pour demander leur droit au travail. Sidi Bouzid est l’une des régions les plus pauvres de Tunisie. Elle continue de l’être malgré que les Tunisiens se soient débarrassés de Ben Ali et de sa dictature.
Même topo à Sejnane, dans le gouvernorat de Bizerte, où une grève générale a été déclenchée depuis mardi 12 décembre 2017 par les habitants pour dénoncer le chômage et leurs mauvaises conditions de vie. Lancée suite à l’immolation par le feu d’une femme désespérée par le refus des autorités locales de lui accorder une aide sociale, cette grève vise aussi à interpeller le gouvernement sur l’état révoltant que vit la zone face au silence de ses revendications sociales. Le syndicat régional de Sejnane et toutes les composantes de la société civile disent soutenir les grévistes jusqu’à ce qu’ils aient gain de cause.
Ces manifestations interviennent à un moment où la Fédération générale de pétrole et des produits chimiques, relevant de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), observe aussi une grève générale dans les établissements de distribution des produits pétroliers. Le secrétaire général de la fédération, Hasnaoui Smiri, a indiqué jeudi lors d’une conférence de presse que 26 sociétés participeront à cette grève générale, notamment les sociétés de distribution de pétrole qui arrêteront leur approvisionnement.
Le responsable syndical a expliqué que le maintien de la grève intervient suite à la crise qui ébranle la Société tunisienne des industries pneumatiques (STIP). Selon lui, le propriétaire de la STIP ne respecte aucune convention conclue, dont la dernière, celle du 20 novembre 2017, signée par trois membres du gouvernement et le secrétaire général de l’UGTT, a rappelé la même source.
La majorité des Tunisiens se rendent compte que la Révolution du jasmin n’a en rien amélioré leur quotidien. Pis, ils ont la conviction qu’elle a davantage profité aux plus riches. A noter à ce propos que le cabinet Sigma Conseil vient de présenter un bilan de «la révolution tunisienne». Le moins que l’on puisse dire est que ce bilan n’est pas du tout reluisant. Présenté par son patron, Hassen Zargouni, un sondage exclusif Sigma/KAS (Konrad-Adenauer-Stiftung) passe en revue la perception des Tunisiens du bilan qu’ils retiendraient des sept années ainsi que leurs attentes à moyen terme du processus politique et économique que connaît leur pays.
Après avoir énuméré les principales dates-clés depuis la révolution, M. Zargouni a indiqué que «les événements ayant marqué l’esprit des Tunisiens demeurent l’assassinat de Chokri Belaid, l’obtention du Prix Nobel par le quartette, ainsi que la qualification de la Tunisie pour la Coupe du monde Russie 2018». Par ailleurs, «seuls 8% des interviewés considèrent que la révolution a réussi, tandis que 51% estiment qu’elle n’a pas réussi». Dans le même contexte, a-t-il ajouté, «56% des interrogés indiquent qu’aucun objectif de la révolution n’a été atteint».
La perception de l’avenir par les Tunisiens n’est pas des plus optimistes puisque 80% considèrent que la situation est pire que ce qu’elle était en 2011. Ils estiment que les principaux gains sont la liberté d’expression et la démocratie. En revanche, ils ont enregistré des pertes au niveau de la lutte contre le chômage et l’amélioration du niveau de vie. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui la tentation est grande chez beaucoup de Tunisiens d’opérer un «redressement révolutionnaire».
S. S.
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