Statue coloniale versus statut colonial
Par Mesloub Khider – Dressée comme une déesse
Offerte au regard empli de tendresse
Comme à l’œil concupiscent
Cette statue au corps magnificent
Trônant en plein centre-ville
Depuis une éternité
En toute fraternité
Œuvre de l’époque coloniale
Exhibant sa fierté impériale
Et sa généreuse poitrine sénile
Cette célèbre statue féminine
A la silhouette câline
Que le temps n’a point outragée
Ni abîmée, ni déformée, ni usagée
Vient de subir des coups de burin
Non pour subir une réfection insigne
Mais une grave agression indigne
Des mains d’un aliéné mutin
Cet attentat à la pudeur sculpturale
A soulevé la réprobation intellectuelle
De l’élite algérienne toujours sensible
au sort réservé aux œuvres d’art
Et indifférente au destin du peuple
Qui mène une existence désœuvrée sans fard
En marge d’une classe opulente de parasites et de cafards
Commis par un illuminé dérangé
Pris d’une folie destructrice
Il s’est acharné comme un enragé
Sur cette muette créature factice
Qu’il a pris pour une séductrice
Au charme envoûtant et à la suavité corruptrice
A moins qu’ il ne s’agisse seulement
D’une vengeance d’un amoureux éconduit simplement
Contre une femme toujours réfractaire
A ses assiduités d’homme solitaire
En quête d’une escapade romantique
Au mieux d’une passion amoureuse fanatique
Ce fait divers politisé à outrance
Ne méritait pas tant de remontrances
Tant son caractère pathologique
Est avéré par la preuve psychologique
C’est l’œuvre d’un illuminé dérangé
Mais point d’un islamiste équilibré
Animé d’un un projet politique
De destruction assumé et revendiqué
Apparemment le sort d’une statue d’un Français
Suscite plus d’émoi que le sort du Statut de l’Algérien
Le délabrement du statut socioéconomique
De l’Algérien ne soulève point de protestation
Son statut saccagé laisse tout le monde de marbre
Contrairement à cette célèbre statue de pierre
Il ne soulève ni indignation, ni contestation
Ni soulèvement, ni révolte, ni révolution
La stature de l’Algérien aussi se délite
Sa vie de partout silencieusement se lézarde
Dans l’indifférence éloquente de l’élite
Qui jamais politiquement ne se hasarde
A œuvrer pour le bien du petit peuple
Mais à se peupler d’indigestes œuvres
Plus dignes d’intérêt à son goût
Que le peuple qui lui inspire le dégoût
Cette orpheline statue de l’époque coloniale
Abandonnée par sa famille naturelle
Chassée par la grande famille révolutionnaire
Algérienne dans un sursaut de soulèvement salutaire
Etait devenue depuis l’indépendance une incongruité
Dans un pays censé s’être affranchi de la docilité
Elle symbolisait la perpétuation de l’occupation
Non pas du pays mais des mentalités
Favorisée par une classe imposant encore sa domination
M. K.
Comment (7)