Ah, pauvre langue maternelle !
Par Kadour Naïmi – Ces temps-ci, comme depuis longtemps, se déroule un légitime combat pour la reconnaissance et la promotion de tamazight. Bien entendu, cette revendication est positive, à encourager, à soutenir, par toutes les personnes soucieuses de reconnaître un droit citoyen : l’emploi d’une langue maternelle. Ce droit est, en plus, non pas un élément de division mais d’union des composantes de la nation.
Et nous constatons l’appel des partisans de tamazight à leurs compatriotes linguistiquement arabophones de soutenir cette juste promotion de tamazight. Au nom de quoi ? Du fait que cette langue est celle maternelle du peuple amazigh. Mais alors, en Algérie, n’existe-t-il pas une seconde langue maternelle ? Celle parlée par la partie linguistiquement arabophone du pays ?
Les uns la négligent en la réduisant à un idiome «vulgaire» ; d’autres la méprisent comme un ridicule «pataouec» ; d’autres encore la dédaignent comme une dégénérescence soit de tamazight ancien, soit de l’arabe moyen-oriental. Toutes ces affirmations sont très discutables. Et quand ces personnes parlent de langue «arabe», ils n’ont en vue que celle du Coran. Mais celle-ci est-elle la langue maternelle et populaire de la partie arabophone en Algérie ?
Rares, très rares, parmi les arabophones comme parmi les Amazighs, les personnes qui accordent de l’importance à la langue maternelle de la partie arabophone du peuple algérien. Défendre les langues maternelles algériennes ne doit pas se limiter uniquement à tamazight, mais comprendre également et tout autant la langue du peuple arabophone d’Algérie : celle qu’on désigne du terme discutable «darija». Car tamazight comme la darija sont des langues maternelles, des langues populaires.
Aussi, j’appelle les personnes qui défendent tamazight, parce qu’elle est une langue maternelle, à se rappeler que la darija l’est tout autant, et que la promotion, pour être juste et équitable, doit concerner ces deux idiomes de manière identique.
Certains objecteront qu’avec tamazight il y a déjà assez de problèmes, pour ne pas y ajouter celui de la darija, encore plus épineux. Mais alors, serait-il juste de défendre une langue parce qu’elle est maternelle, tout en occultant une autre qui l’est tout autant ?
K. N.
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