La double gifle
Par R. Mahmoudi – Les décisions annoncées par le président de la République en faveur de la promotion de la langue amazighe ont sonné comme une véritable gifle, à la fois au Parlement et à l’Exécutif. Car, d’abord, ces trois décisions, à savoir la consécration de Yennayer jour férié, la création d’une académie de la langue amazighe et la promulgation d’une loi organique pour permettre la généralisation de l’enseignement de cette langue, auraient pu être proposées ou, au moins, débattues à l’APN au moment où, en pleins débats sur la loi de finances, la députée du PT avait introduit sa proposition d’amendement d’une loi devant autoriser une promotion effective de l’enseignement de la langue amazighe. La Commission des finances a rejeté la proposition, en arguant du fait que l’Etat prenait «suffisamment» en charge l’enseignement de cette langue et qu’il existait une institution, le HCA, qui ne s’en est jamais plaint.
L’APN n’a pas eu la moindre réaction, même lorsque la contestation des étudiants et lycéens en Kabylie commençait à prendre une tournure dangereuse, avec le début des affrontements à caractère ethnique, notamment à Bouira, et la monté des discours séparatistes dans la rue et sur les réseaux sociaux.
Le gouvernement a, ensuite, essayé de se rattraper en appelant les manifestants au calme et en rappelant les «acquis» engrangés depuis l’adoption de tamazight comme langue nationale en 2002, puis officielle à partir de 2016. L’intervention du ministre de la Jeunesse et des Sports, El-Hadi Ould Ali, lui-même ancien animateur du MCB, n’a eu aucun effet sur le cours des événements. Celle du secrétaire général du HCA, El-Hachemi Assad, était encore plus pathétique. Si ces deux responsables parlent de «tentatives de manipulation» de la rue – chose qui n’a, en effet, jamais été démentie –, ils n’ont pas, cependant, eu le réflexe – ou le courage – d’admettre la légitimité des revendications qui ont été formulées par les manifestants. Ce qui aurait atténué un tant soit peu la colère qui grondait et qui, à un moment, menaçait d’échapper à tout contrôle.
Dernier à commenter les événements, une semaine après le début des manifestations, le Premier ministre a été encore plus maladroit. Non seulement il n’a pris aucune initiative concrète et directe pour calmer les esprits, alors que c’était de son ressort – à travers des propositions de loi, notamment – mais, plus grave encore, il a décrit tout ce qui se disait, alors, sur tamazight, comme «démagogique». Les réponses du chef de l’Etat sont venues démontrer à quel point Ahmed Ouyahia a été, sur cette histoire de tamazight, si peu visionnaire.
R. M.
Comment (26)