Yennayer, tamazight : Bouteflika a-t-il désamorcé la crise en Kabylie ?
Par R. Mahmoudi – Qualifiées d’«historiques», les décisions prises par le chef de l’Etat pour la consécration de Yennayer journée chômée et payée mais, surtout, pour la création d’une académie de la langue amazighe et la promulgation prochaine d’une loi organique devant régir la généralisation de l’enseignement et de l’utilisation de cette langue nationale ont été accueillies en Kabylie avec un enthousiasme largement partagé.
Si les partis politiques et le mouvement associatif n’ont pas encore réagi officiellement à ces annonces, les commentaires des militants et autres activistes de la cause amazighe sont globalement positifs. «En attendant la mise en œuvre effective de l’officialisation de tamazight, Yennayer est jour de fête, chômée et payée», a écrit sur sa page Facebook un cadre du RCD, d’habitude très incisif envers le pouvoir en place. Les plus sceptiques essaient d’y déceler des lacunes, mais sans toujours y parvenir. Exemple de ce commentaire d’Arezki Aït Larbi, éditeur et ancien animateur du MCB : «Rien d’officiel n’a été annoncé. On peut toutefois confirmer sans se tromper que le 12 janvier 2018 sera chômé et payé : il tombe un vendredi. Idem pour le 12 janvier 2019 : ce sera un samedi.»
Djamel Ikhloufi, enseignant de la langue amazighe à l’université de Béjaïa et militant du Rassemblement pour la Kabylie (RPK), se réjouit de ces décisions et écrit pour exprimer sa satisfaction : «Seule la lutte pacifique paie.»
Même du côté des adversaires traditionnels de tamazight, les réactions sont, pour une fois, enthousiastes. Premier à avoir commenté l’événement, le chef du MSP, Abderrezak Mokri, a salué les décisions prises par le Président de la République, estimant qu’après ces mesures, la langue amazighe va atteindre son «âge de maturité» pour accéder à un statut effectif de langue officielle du pays.
Cela dit, les plus concernés par ces décisions, à savoir notamment les collectifs d’étudiants et de lycéens des wilayas de Béjaïa, Tizi Ouzou et Bouira, qui avaient déclenché les contestations de début décembre, ne se sont pas encore prononcés. Ils ne le feront certainement pas avant la reprise des cours la semaine prochaine. Lors de leurs dernières réunions, ces collectifs avaient décidé de maintenir la grève et les contestations jusqu’à la satisfaction de l’ensemble de leurs revendications, dont, faut-il le rappeler, la promotion de tamazight ne représentait qu’un volet. L’autre volet concerne l’annulation des mesures «antipopulaires et antisociales» de la loi de finances 2018.
Etant donné que, sur le terrain, les slogans relatifs à tamazight sont, de loin, les plus mobilisateurs, le mouvement estudiantin de Kabylie, largement dominé par les activistes du MAK et de l’extrême-gauche (PST et PT), n’aura, logiquement, plus de raison pour revenir à la protesta, sauf s’il trouve d’autres mots d’ordre susceptibles de galvaniser les foules. Chose qui, à l’heure actuelle, paraît tout à fait aléatoire. C’est pourquoi il faut peut-être s’attendre à une décantation idéologique rapide au sein de cette nébuleuse. Même si le marasme et les blocages multiples dont souffre cette frange de la population, et qui sont le véritable carburant de ces contestations, demeurent toujours sans réponse.
R. M.
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