L’étonnant revirement du Liban vis-à-vis d’Israël depuis l’épisode Hariri
Par R. Mahmoudi – Le ministre libanais des Affaires étrangères, Gebran Bassil, a tenu, jeudi, des propos pour le moins choquants sur la coexistence de son pays avec Israël, alors que le Liban s’était clairement positionné contre la décision du président américain, Donald Trump, de reconnaître El-Qods comme capitale de l’Etat hébreu.
Dans une interview accordée à la chaîne Al-Mayadeen, le ministre, qui seconde Michel Aoun à la tête du Courant nationaliste libre, un parti farouchement anti-israélien, a estimé, en réponse à une question concernant une éventuelle normalisation des relations entre les pays arabes et Israël, que le Liban «ne refuse pas l’existence d’Israël et son droit de jouir de la sécurité». «Il ne s’agit pas pour nous d’une cause idéologique. Tout ce que nous voulons, c’est que tous les peuples vivent en paix et s’acceptent mutuellement», a-t-il affirmé. Et de poursuivre : «Il ne s’agit pas d’une cause aveugle. Nous sommes un peuple qui accepte l’autre, malgré nos différences. Le problème, c’est quand l’autre ne nous accepte pas…»
Une pluie de réactions s’est aussitôt abattue sur le ministre, y compris dans le camp adverse, pour réclamer sa destitution. L’ancien ministre de l’Environnement, Mohammad Machnouk, a qualifié cette déclaration de «honteuse». «Si Gebran Bassil ne trouve aucune divergence idéologique avec Israël, et qu’il souhaite que ce pays vive en paix, le Conseil des ministres devrait le destituer parce qu’il viole la Constitution, les lois, la déclaration ministérielle et les accords de l’alliance politique nationale», a surenchéri ce ministre proche de Saad Hariri. Réagissant à cette polémique, le ministre Bassil crie à la manipulation, en disant que le passage de son interview a été sorti de son contexte. Or, la chaîne Al-Mayadeen a, dans un communiqué, affirmé que rien n’a été changé dans la vidéo mise en ligne sur son site.
S’agit-il alors d’un simple dérapage de la part du ministre qui avait pourtant brillé, lors de la dernière réunion de la Ligue arabe, au Caire, où il a défendu la position de son pays contre l’offensive saoudienne sur le Hezbollah et le droit à la résistance, ou d’un changement de politique du gouvernement libanais, sous la pression d’un Premier ministre appliquant à la lettre les injonctions saoudiennes, concernant notamment ses relations avec le Hezbollah, classé par les pays du Golfe comme organisation terroriste ?
Depuis son retour au Liban, après avoir été séquestré pendant une semaine en Arabie Saoudite, Saad Hariri a posé comme condition pour reconduire le gouvernement d’observer ce qu’il appelle la «distanciation» par rapport aux conflits régionaux, pendant que ses parrains le poussaient à rompre ses relations avec le Hezbollah, qui siège au gouvernement.
R. M.
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