Les habitants de Jerada cassent le mur de la peur et crient leur colère contre le Makhzen
Par Sadek Sahraoui – Depuis le soulèvement du Rif, les Marocains n‘ont plus peur d’affronter le Makhzen et de dénoncer l’injustice et les inégalités sociales. Les habitants de la ville de Jerada, située non loin de la frontière algérienne, ont battu le pavé vendredi pour dénoncer la précarité dans laquelle vivent. Des milliers de personnes se sont rassemblées sur la principale place de la ville pour réclamer «travail et développement», aux cris de «Alternative économique» ou «Non à la marginalisation».
Selon des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, les manifestants de Jerada ont également repris des slogans du mouvement de contestation Hirak, qui a agité tout au long de l’année 2017 la région voisine du Rif et a mis en relief la politique d’apartheid pratiquée par le Makhzen dans ces régions.
L’appel à la grève générale lancé par des organismes politiques et syndicaux a également été suivi par tous les commerçants et les écoliers de Jerada. Les fonctionnaires du service public et les employés du secteur privé n’ont également pas rejoint leurs postes de travail. L’appel à la grève générale a été soutenu par la Confédération démocratique du travail (CDT), l’Union marocaine du travail (UMT), la Fédération démocratique du travail (FDT), le pole syndical du mouvement Al-Adl Wal Ihsane, la Fédération de la gauche démocratique (FGD), l’Association marocaine des droits de l’Homme (AMDH) et la Fédération nationale de l’enseignement (FNE).
A travers les manifestations de vendredi, les habitants de Jerada ont protesté contre la marginalisation de la ville, qui souffre de l’absence d’infrastructures de base et de programmes de développement de nature à améliorer leur vie quotidienne.
Cette mobilisation intervient après le décès de deux frères âgés de 23 et 30 ans. Ces jeunes hommes sont morts alors qu’ils effectuaient des prélèvements dans les galeries d’une mine de charbon désaffectée. Leur mort a suscité colère et émoi au sein de la population locale.
La ville de Jerada est connue pour avoir longtemps abrité une importante mine de charbon où travaillaient encore quelque 9 000 ouvriers au moment de l’annonce de sa fermeture, à la fin des années 1990. L’activité minière constituait alors la principale ressource des habitants, dont le nombre est passé depuis cette date de 60 000 à moins de 45 000. Malgré la fermeture de l’activité, « une bonne partie des habitants de Jerada risquent leur vie pour aller récupérer du charbon dans les mines désaffectées», souligne sur son site l’hebdomadaire Tel Quel. «Chaque année, deux à trois hommes meurent en silence dans les mêmes conditions. Faute d’alternative économique, des jeunes souvent diplômés sont contraints de creuser des mines clandestines», explique pour sa part un acteur associatif local, cité par le média en ligne Yabiladi. Et de cette vie, les habitants de Jerada n’en veulent plus.
S. S.
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