Inculture économique
Par Al-Hanif – Je l’avoue sans détour, je suis inculte en matière économique. Mais je sais également avec certitude que l’économie n’est pas une science exacte. Des prix Nobel ont été incapables de prévoir la crise économique provoquée par la spéculation et la financiarisation de l’économie et rament pour regagner une crédibilité écornée à jamais.
Je sais aussi que la mémoire historique, et plus particulièrement celle de la période 1988-98 me font penser à l’acte II d’un feuilleton ou acte I qui s’est joué à cette époque, sous l’injonction du FMI et de la Banque mondiale. Prisonnier d’une dette abyssale auprès d’organismes mondiaux, souffrant (déjà) de la chute des recettes liée à l’effondrement du prix du pétrole et gaz, le pays avait été sommé de donner des gages d’une transition vers l’économie de marché.
Un cadre juridique bricolé dans l’improvisation avait permis la création de holdings (quel nom ronflant !) qui actaient en réalité le démantèlement de pans entiers du secteur étatique. Certes, ce dernier accumulait les dettes, l’incompétence de la gestion ordinaire et des effectifs pléthoriques, mais le licenciement de 350 000 salariés du jour au lendemain, s’il obéissait à la logique d’orthodoxie économique d’«ajustement structurel», ne calculait pas ou très mal le coût social et politique que ce débauchage massif allait entraîner.
La mort sociale, sans filet social, de milliers de familles allait offrir un terreau propice à l’aventurisme politique de l’intégrisme religieux et l’Algérie ne fut sauvée que par ses vrais fils, dont beaucoup paieront la dette du sang, à l’instar de leurs glorieux prédécesseurs.
Le secteur privé qui a prospéré à l’ombre des commandes de l’Etat et de marchés captifs a accéléré les sorties de devises pour le nantissement de ses projets au lieu de faire la preuve d’une insertion dans l’économie mondialisée, et devenir exportateur pour être crédité d’une rentrée de devises et infléchir cette tendance aux allures de saignée financière. Dans le même temps, la cession de domaines fonciers à des prix symboliques a créé une bourgeoisie d’état et accru son périmètre d’influence qui finira par envoyer ses affidés au Parlement et à faire voter des lois conformes à ses intérêts objectifs (comme énoncé dans la vulgate marxiste enseignée à l’ENA et dans les facultés d’économie, donc à nos dirigeants).
Ce phénomène d’accumulation des richesses et de connivence avec le personnel politique (exécutif ou législatif) n’est pas spécifique à l’Algérie. Plus que la science économique, il faudrait faire appel aux sciences sociales et au dévoilement des forces qui travaillent le champ social et agitent les discours comme des paravents pour masquer les enjeux et les vrais objectifs.
La donne a changé et la mondialisation est un accélérateur de l’histoire qui contraint l’Algérie à y trouver sa place au prix de réformes structurelles et de réajustements idéologiques nécessaires.
Point n’est besoin d’ hystériser le débat et de convenir que stabilité macroéconomique et équilibres financiers, dans un pays de plus de 40 millions d’individus, sont un gage de souveraineté et que cette dernière ne se paie pas en mots ni en slogans incantatoires.
L’information qu’il faut exiger serait celle relative à l’évaluation de ce partenariat public-privé (je mets la superstructure idéologique à sa vraie place, c’est-à-dire non déterminante en dernier ressort).
Il serait également utile de questionner la nature des mécanismes juridiques de ce partenariat et d’éliminer tous ceux qui seraient attirés par l’effet d’aubaine.
L’autre risque (bien réel) est voir le privé introduire des partenaires étrangers qui deviendraient hégémoniques et feraient perdre la maîtrise de l’ouvrage et pourraient acquérir un poids économique trop important.
Des pays entiers ont été transformés en républiques bananières et abdiqué toute souveraineté. L’Algérie n’est encore sous la menace d’aucune dette significative, et elle peut envisager un vrai partenariat public-privé qui soulagerait les déficits financiers des entreprises publiques en se gardant de devenir banquier, payant rubis sur ongle des prestations surfacturées et des projets sans valeur ajoutée. Ce partenariat ne doit pas contenir des vices cachés dans un contrat juridique qui permettrait, comme vu ailleurs, de privatiser les recettes en cas de réussite et de laisser les créances à l’état en cas d’échec.
Si c’est le cas… ce serait une vraie bombe à retardement et une hypothèque sur les générations futures. Personne n’est par principe opposé à l’efficience, la bonne gestion et l’intégration dans l’économie mondiale.
Quid du tourisme, ce fabuleux gisement d’emplois et carte de visite du pays dont l’image est à valoriser comme instrument de «soft power» ?
Je rêve de voir nos dirigeants ne pas insulter l’intelligence collective d’un peuple et l’associer à la prise de décision en l’informant pleinement sur les enjeux. Le patriotisme n’est pas garanti par la carte d’un parti ; il est chevillé au corps et à l’âme.
Nous ne voulons plus être abusés en permanence, même si cette illusion aide à vivre ! L’économie n’est ni science ni pierre philosophale d’un idéal inaccessible !
A. H.
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