Nuit d’émeutes au Caire : Al-Sissi ne fait plus peur aux Egyptiens
Par Sadek Sahraoui – La mort d’un jeune homme dans un commissariat a causé, ce samedi, des heurts entre manifestants et policiers dans un quartier du Caire. Les manifestants ont mis le feu à des pneus et des voitures et les pompiers sont intervenus. Le jeune homme, surnommé Afroto, aurait été arrêté vendredi matin pour trafic de stupéfiants. Les protestataires accusent la police d’être responsable de sa mort.
Les autorités égyptiennes contestent quant à eux cette version et soutiennent que le jeune homme est mort lors d’une violente bagarre entre détenus à l’intérieur de l’établissement. Le directeur de la sécurité du Caire a promis à la population une enquête impartiale, s’engageant à ne pas camoufler une éventuelle implication avérée de la police. Le procureur a effectué l’examen du corps et a demandé une autopsie.
Les organisations de défense des droits de l’Homme accusent régulièrement la police et les membres des services secrets égyptiens d’abus et de torture sur les détenus depuis la destitution du président islamiste Mohamed Morsi par l’armée, en 2013. Le président Abdelfattah Al-Sissi, chef de l’armée au moment de la destitution de Morsi, avait promis de renforcer la lutte contre les abus policiers, tout en assurant que de telles dérives ne concernaient pas l’ensemble des forces de l’ordre. Mais visiblement, rien n’a été fait.
Les heurts d’hier montrent en tout cas que la population n’a plus peur de l’autorité et qu’une explosion sociale peut avoir à tout moment en Egypte.
L’une des causes de cette explosion pourrait provenir du fait que le pouvoir égyptien ne s’en prend pas qu’aux islamistes. Depuis le président Gamel Abdel Nasser dans les années 1960, les autorités égyptiennes répriment aussi les militants de gauche considérés comme «éléments perturbateurs». La tendance s’est par ailleurs renforcée ces dernières années.
Pas plus loin que le 31 décembre dernier, le tribunal correctionnel d’Alexandrie a condamné la militante égyptienne des droits de l’Homme Mahienour Al-Masry à la prison ferme pour «participation à une manifestation non autorisée» contre la cession de deux îles de la mer Rouge à l’Arabie Saoudite. Trois autres militants de gauche ont été condamnés à des peines de deux à trois ans de prison.
Il est à rappeler que Mahienour Al-Masry est une des icônes du mouvement de contestation en Egypte. Elle faisait partie de ces groupes de jeunes qui ont dévoilé et dénoncé la mort sous la torture policière du militant Khaled Saïd en 2010. Mahienour Al-Masry a aussi été très active dans les manifestations contre l’ex-président et frère musulman Morsi, en 2013. Cela ne lui a pas épargné une condamnation à deux ans de prison pour participation à une «manifestation illégale» en 2014. La même année, elle a obtenu le prix Ludovic-Trérieux pour les droits de l’Homme.
S. S.
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