Crise d’El-Guergarat : le Maroc met de l’huile sur le feu
Selon le Front Polisario, le Maroc a opposé un refus catégorique à une demande de l’ONU d’envoyer une mission technique à El-Guergarat afin d’examiner les moyens de résoudre la crise dans cette zone tampon au sud du Sahara Occidental, rapporte l’agence de presse officielle APS.
La mission onusienne est prévue par le paragraphe 3 de la résolution 2351 de 2017 du Conseil de sécurité, prorogeant le mandat de la Minurso, qui reconnaît que la crise d’El-Guergarat «soulève des questions fondamentales liées au cessez-le-feu et aux accords connexes» et demande au secrétaire général de l’ONU «d’examiner les moyens de la résoudre», a expliqué à l’APS Ahmed Boukhari, le représentant du Front Polisario auprès de l’ONU. Cette disposition de la résolution 2351 est le fruit de tractations de plusieurs jours au niveau du Conseil de sécurité qui, par consensus, a décidé d’examiner les causes et les répercussions de la violation du cessez-le-feu par le Maroc.
De toutes ces discussions il s’est dégagé un constat important : la situation à El-Guergarat impose de trouver une solution qui aille au-delà d’un simple enregistrement des violations de l’accord de cessez-le-feu pour s’attaquer aux causes réelles à l’origine de la crise.
M. Boukhari a expliqué qu’un accord s’est dégagé ensuite sur l’envoi d’une mission technique sur le terrain. Et d’ajouter qu’un mois après l’adoption de la résolution, la partie sahraouie a engagé des contacts étendus avec le secrétariat général de l’ONU ainsi qu’avec le département des opérations de la paix et celui des affaires politiques pour mettre en œuvre cette disposition. Mais Rabat a opposé, en septembre dernier, un non catégorique à la demande du secrétariat général, un refus qui constitue une preuve supplémentaire de la volonté du Maroc de pousser au pourrissement de la situation.
Afin d’éviter l’escalade des tensions dans la région, le président sahraoui, Brahim Ghali, a écrit le 9 décembre dernier au secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, pour l’informer de la situation à El-Guergarat, a enchaîné M. Boukhari. Ce samedi, le président sahraoui a reçu une lettre dans laquelle le chef de l’ONU «reconnaît l’importance de résoudre le problème d’El-Guergarat dans le cadre du paragraphe trois de la résolution du Conseil de sécurité», a-t-il ajouté.
Dans sa réponse à Brahim Ghali, M. Guterres a également souligné que la proposition d’envoyer cette mission à la zone tampon a été accueillie favorablement par la partie sahraouie qui a manifesté sa volonté de coopérer avec l’ONU pour sa mise en œuvre, une reconnaissance qui désigne implicitement le Maroc comme partie entravant le travail de l’ONU. M. Boukhari a déclaré que le Front Polisario «appréciait la lettre du secrétaire général ainsi que sa volonté d’appliquer cette disposition prévue par ladite résolution». Pour autant, il a estimé que l’ONU «devait affronter ce problème avec courage et transparence» car elle ne peut se résoudre plus longtemps à «la politique de l’autruche».
La tension est montée d’un cran ces derniers jours suite aux informations faisant état du maintien de l’étape du rallye Africa Eco Race traversant El-Guergarat. Il y a trois jours, le Front Polisario a envoyé deux voitures de police désarmées sur la zone avec instruction d’informer la Minurso de prendre les mesures nécessaires pour éviter toute escalade de tensions durant ce rallye. Le maintien de cette étape du rallye s’apparente à une provocation, d’autant que cette région est considérée comme une zone militaire où les activités civiles sont interdites. La partie sahraouie a mis en garde les organisateurs du rallye qu’elle allait bloquer le passage de leur caravane si des véhicules font de la provocation avec le drapeau marocain, a affirmé M. Boukhari.
En parallèle, le Front Polisario s’active pour trouver une solution à la crise. Une rencontre est prévue avant fin janvier entre le président Ghali et l’émissaire de l’ONU, Horst Kohler, pour discuter notamment du trafic commercial et de la lutte contre la drogue dans cette zone, devenue une voie de passage pour le cannabis marocain. La date de la rencontre – qui sera sûrement tenue dans une capitale européenne – n’a pas encore été arrêtée, a-t-il indiqué. Le diplomate sahraoui a souligné que l’application de la résolution du Conseil de sécurité «sera d’un grand apport à l’émissaire de l’ONU». Celui-ci sera appelé à surmonter deux obstacles majeurs, «l’intransigeance du Maroc et l’attitude colonialiste de la France» au Conseil de sécurité.
Samedi, le secrétaire général de l’ONU s’est dit «profondément préoccupé» par le regain des tensions dans la zone tampon, appelant le Maroc et le Front Polisario à la retenue.
R. I.
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