Grogne sociale en Tunisie : la sécurité autour d’institutions publiques renforcée
Des protestations contre la hausse des prix et la nouvelle loi de finances en Tunisie ont repris dans la nuit de mardi à mercredi dans des villes du pays, où des «unités de l’armée» étaient présentes, selon les médias locaux, sur les lieux d’institutions publiques et privées afin de parer à des actes de pillage.
Pour la deuxième nuit consécutive, la grogne sociale monte, notamment, contre la hausse de la TVA entrée en vigueur au 1er janvier dans le cadre d’un budget d’austérité. Une manifestation à l’appel de plusieurs organisations de la société civile a rassemblé sans incident une centaine de personnes mardi soir dans le centre de la capitale Tunis, selon l’agence de presse TAP.
Des marches de protestations pacifiques pour dénoncer la cherté de la vie ont été également eu lieu à Jebeniana et à Sfax, à l’appel des coordinations régionales de la campagne «Fech nestanou» (Qu’est-ce qu’on attend, ndlr) lancée en début d’année pour protester contre les hausses de prix, et auxquelles ont pris part des représentants de la société civile, des jeunes et des diplômés sans emploi ainsi que plusieurs écoliers et lycéens dans la région.
Les manifestants ont scandé des slogans appelant le gouvernement à «revenir sur les dernières hausses des prix dictées par la nouvelle loi des finances, à consacrer la justice sociale et à mettre en œuvre des programmes de développement». A Sfax, plusieurs étudiants, diplômés «en chômage» et composantes de la société ont revendiqué «l’annulation des nouvelles taxes et charges fiscales» imposées par la loi des finances 2018 compte tenu de leur «impact négatif sur le pouvoir d’achat du Tunisien».
Face à ce mouvement de protestation, le ministre des Finances tunisien, Ridha Chalghoum, a assuré que le gouvernement garderait le cap des augmentations d’impôts. «Le chef du gouvernement s’est engagé à ne pas augmenter les produits de première nécessité», a-t-il indiqué. «Parmi les acquis de la démocratie, il y a la possibilité de manifester, mais on a aussi l’obligation de travailler pour une économie tunisienne saine où cette croissance, qui a pointé le bout du nez en 2017, se consolide davantage et soit créatrice d’emplois», a-t-il ajouté.
Lors d’incidents ayant éclaté dans plusieurs villes depuis lundi soir, 49 agents de la police ont été blessés et plus de 200 personnes arrêtées, a indiqué le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Khlifa Chibani. Des bâtiments publics ont été en outre endommagés et des routes coupées. «Ce qui s’est passé hier constitue une violation de la loi puisque l’état d’urgence est déclaré en Tunisie», a affirmé Khlifa Chibani, porte-parole du ministère. Le pays a instauré l’état d’urgence il y a plus de deux ans après une série d’attentats terroristes sanglants.
Afin de parer à des actes de pillage par les manifestants, des unités de l’armée nationale ont été déployées près des institutions et établissements publics à Jelma (gouvernorat de Sidi Bouzid) après que des heurts ont éclaté, mardi, entre manifestants et forces de l’ordre. Les protestataires, dont plusieurs des écoliers et lycéens, ont bloqué la route nationale 3 reliant Tunis à Gafsa, mis le feu à des pneus et lancé des pierres sur les forces de l’ordre qui ont répliqué par des tirs de gaz lacrymogène, selon les médias locaux.
La classe politique appelle à un dialogue national économique et social
Plusieurs députés ont dénoncé, mardi, les actes de pillage qu’ont connues certaines régions durant la nuit de lundi à mardi, et mis en garde contre la gravité de pareilles dérives, appelant au respect du droit de manifester pacifiquement tel que garanti par l’article 37 de la Constitution et à l’ouverture d’un dialogue national économique et social.
Dans leurs interventions en plénière, les députés sont unanimes à croire que «certaines parties politiques sont à l’origine de ces mouvements pour servir leurs propres intérêts dans le cadre d’une campagne électorale précoce». D’autres députés de l’opposition ont critiqué, pour leur part, une tentative de «réduire les protestations, contre la flambée des prix et la loi de finances 2018, à des actes de pillage et de vandalisme survenus la nuit». Selon eux, ces manifestations sont légitimes et la situation dans le pays commande une loi de finances complémentaire comportant des décisions annulant toutes les mesures prises.
De son côté, le secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), Noureddine Tabboubi, a dénoncé, mardi, à l’ouverture du 11e congrès ordinaire de l’Union régionale du travail à Monastir, les actes de violence et de pillage, perpétrés la nuit, portant atteinte aux biens publics, et appelé à préserver l’intérêt du pays.
Les partis doivent assumer leurs responsabilités, a encore dit Tabboubi, soulignant le rejet de la violence et de l’anarchie, tout en appelant le peuple tunisien à participer aux prochaines élections municipales pour, a-t-il dit, «choisir les compétences capables de faire sortir le pays de cette crise».
Ces protestations interviennent au moment où la Tunisie s’apprête à organiser des élections municipales en mai prochain, attendues de longue date pour consolider la transition démocratique. Les élections étaient initialement prévues en décembre dernier, et avaient été reportées une première fois au 25 mars 2018, et après reportées pour la deuxième fois au 6 mai à la demande des principaux partis politiques.
R. I.
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