Un ex-officier des services français : «La Tunisie est une base arrière d’Al-Qaïda»
Par Sadek Sahraoui – Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, actuellement directeur-adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), prévient dans un entretien accordé dimanche au site Atlantico, que les groupes terroristes qui activent en Tunisie pourraient être tentés de profiter du marasme économique et social que travers le pays et des protestations sociales qui paralysent régulièrement les grandes villes pour recruter des apprentis terroristes.
«La masse de manifestants va constituer un vivier dans lequel Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et Daech seront à même de recruter de nouveaux adeptes. En effet, la situation économique est si grave que la jeunesse – dont officiellement 30% est au chômage, mais ce chiffre est vraisemblablement très sous-évalué – ne se voit proposer que trois choix : protester, migrer ou rejoindre les djihadistes !», soutient M. Rodier.
Spécialisé dans le suivi du terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée, Alain Rodier rappelle, néanmoins, qu’«Aqmi considère la Tunisie comme une base arrière depuis laquelle l’organisation terroriste peut lancer des opérations en Libye et au Sahel». «Qui dit ‘‘base arrière’’ dit ne pas se faire remarquer par les autorités en conduisant des actions inopportunes», souligne le directeur du CF2R.
Alain Rodier précise, néanmoins, que ce n’est pas le cas de Daech, pour qui «la Tunisie est une terre de djihad privilégiée, car la ressource humaine y est abondante et le pouvoir faible». «Il faut se souvenir que les Tunisiens ont fourni de gros bataillons de volontaires pour les théâtres syro-irakien et libyen (on parle de 3 000 volontaires partis au combat). Des centaines seraient rentrés au pays avec l’intention d’en découdre à domicile. La stratégie de Daech consiste à couper la population des autorités en montrant, grâce à des actions spectaculaires, comme les attaques du musée du Bardo et d’un complexe hôtelier à Sousse en 2015, et plus encore, par les opérations offensives coordonnées de mars 2016 à Ben Gerdane, que ces dernières sont incapables d’assurer la sécurité», rappelle-t-il à ce propos.
L’ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français indique que les activistes de Daech qui mènent des opérations en Tunisie proviennent de Libye. Ceux-ci, ajoute-t-il, contrôlent une grande partie de la frontière tuniso-libyenne et trouvent souvent une certaine collaboration des populations locales. «Daech étend progressivement son influence dans le pays à 17 des 24 gouvernorats, étant particulièrement actif dans ceux de Jendouba, Medenine, Sfax, Sidi Bouzid et Sousse», alerte M. Rodier. S’agissant d’Al-Qaïda, le directeur du CF2R explique que le groupe terroriste «maintient sa présence dans le nord-ouest de la Tunisie dans les gouvernorats de Kasserine et de Le Kef, attaquant parfois les forces gouvernementales quand elles tentent de trop s’aventurer dans ces zones transformées en repaires pour terroristes».
S. S.
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