La Corée du Nord est-elle une réelle menace pour la paix et la sécurité mondiales ? (I)
Par Dr Mehenou Amouzou – Selon Orwell, la guerre continue toujours de faire vivre et entretenir un empire. La guerre est le seul moyen de contrôler les masses pauvres et ignorantes. En prenant l’initiative de s’éduquer, les masses risqueraient de renverser les élites. La guerre est la seule arme de l’empire qui protège l’élite.
La République démocratique de la Corée, un petit pays situé à l’Extrême Orient, est apparu brutalement dans les médias internationaux et le reste de monde. Dès lors, les puissances se sont impliquées dans le conflit. La communauté internationale s’est mise à observer la Corée et la situation sur place a commencé à faire quotidiennement l’objet de discussion à Washington, Moscou, Tokyo et Pékin. La République populaire démocratique de la Corée a une superficie de 46,541 km2 pour une population de 25,37 millions d’habitants, selon la Banque mondiale. Elle a pour capitale Pyongyang. La Corée du Nord a pour frontière au nord la République populaire de Chine et la Russie et au sud, la Corée du Sud.
La position géostratégique et politique de la Corée la situe entre les mers japonaise, chinoise et l’Océan pacifique. L’impérialisme de l’Occident, du Japon et la guerre froide ont automatiquement créé une situation où la Corée devient tributaire de la Chine. Selon le Sud-Coréen Pak Myong-rim, les problèmes coréens ont toujours été le reflet de l’ordre international. La Corée a été le lieu de confrontation entre la Chine et le Japon, mais aussi l’avant-poste de la rivalité entre l’Orient et l’Occident, entre le capitalisme et le communisme, entre les Etats-Unis et l’Union soviétique. Les Coréens ont été parmi les premiers à vivre le nouvel ordre mondial qu’était la guerre froide.
La guerre de Corée était, en fait, une tentative de réunification par la force. Elle n’aurait jamais éclaté sans la division en 1945, entre la zone soviétique et la zone américaine. La libération de la péninsule jusque-là occupée par les Japonais était bel et bien la cause de cet affrontement. En 1948, le peuple coréen, fier de son homogénéité ethnique, n’a pas supporté la scission des deux Républiques créées. En juin 1950, le dirigeant de la Corée du Nord Kim II-Sung ayant envahi le Sud dans l’intention de réunifier les deux Corées ne parvient pas à atteindre son objectif. Nul doute que même si cette agression représentait une opportunité pour le gouvernement de Rhee Syngman au Sud, personne ne pouvait se satisfaire d’un recours aux armes. La guerre de Corée, qui avait la réunification des deux pays comme objectif, a paradoxalement eu pour conséquence d’entériner leur division.
Rappel de ces faits pour comprendre la position de la Corée du Nord d’aujourd’hui
La Seconde Guerre mondiale était en train de prendre fin en 1945, les Etats-Unis et l’ancienne Union soviétique, en s’implantant en Corée, prouvaient leur méfiance et leur hostilité. Le 9 mai 1945, l’ex-Union soviétique s’installe au nord du 38e parallèle. C’est le début d’une position qui deviendra officielle avec le développement de la guerre. Le 8 septembre 1945, les Etats-Unis ne tardent pas à s’implanter dans le Sud ! La Corée du Nord a pour alliées la Chine et l’ex-Union Soviétique. La Corée du Sud a comme alliés les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni, la Turquie, le Canada, l’Australie, le Luxembourg, les Philippines, la Belgique et l’Afrique du Sud. La guerre de Corée est alors considérée comme une troisième guerre mondiale ; elle en présente les mêmes composants. Presque 90% des pays impliqués dans les deux guerres mondiales se sont constitués en bloc. La guerre de Corée a duré presque trois ans et laissé des séquelles traumatisantes.
L’avocat international canadien Christopher Black et sa délégation d’avocats américains et canadiens, en Pyongyang ont pu apporter des preuves cédées par le gouvernement nord-coréen au sujet des Américains. En effet, les Coréens lui ont montré des documents américains saisis pendant la guerre. Selon lui, il s’agit de preuves irréfutables prouvant que les Américains avaient bien prévu d’attaquer la Corée du Nord en 1950. Blake a rapporté que les Américains ont ensuite prétendu que la défense et la contre-attaque nord-coréennes étaient une «agression». C’est, en fait, une manipulation orchestrée par les médias dans le seul but d’inciter les Nations unies à soutenir une «opération de police». C’est un euphémisme que de qualifier leur guerre d’agression contre la Corée du Nord.
Les causes réelles de la guerre de Corée sont multiples mais nous allons tenter d’en expliquer quelques-unes. La guerre de Corée 1950-1953 a été très dévastatrice et a fait plus de 3,5 millions de morts, selon les historiens et les publications consultées à ce sujet. Cette guerre a été en termes d’images néfaste pour la Corée du Nord qui était, et continue à être, vue comme le vilain ennemi de l’Asie orientale contre le reste du monde. Lorsque la fin de la Seconde Guerre mondiale s’approchait, un monde bicéphale s’est installé : le bloc de l’Ouest et celui de l’Est. Le bloc de l’Ouest s’est transformé ou a changé de nom en devenant l’OTAN et s’est enrichi des pays venant de l’ancien pays soviétique.
Selon l’accord signé par les présidents Reagan et Gorbatchev, l’OTAN n’aurait pas dû étendre ses membres aux anciens Etats que constituaient la République soviétique qui continuent à susciter une certaine méfiance et contribueront à l’hégémonie sur ce monde. Les calculs politiques, géostratégiques et économiques pour conquérir l’Asie orientale sont réalisés avant même la fin de la Seconde Guerre mondiale et l’installation de la guerre froide. Les deux grandes puissances se sont installées aisément parce qu’à notre humble avis ils visaient l’hégémonie mondiale minutieusement préparée. L’alliance de guerre était prête et son déclenchement imminent. Officiellement, elle a commencé le 25 juin 1950, déclenchée par la Corée du Nord communiste, soutenue par les anciens pays soviétiques et immédiatement contrée par les Etats-Unis et leurs alliés ci-dessus mentionnés. L’avocat Me Christopher Black, spécialisé en droit criminel en 2003, a effectué son premier voyage en Corée du Nord, accompagné d’avocats américains et canadiens, membres de la National Lawyers Guild, afin de voir, analyser et confronter le gouvernement et le peuple coréens objectivement. Le feed-back de son observation a été édifiant, voire surprenant ; dès son retour, il a publié un article sur la Corée du Nord qu’il a appelé «La grande tromperie». Black y écrivit ceci : « Les soi-disant problèmes rapportés sur la Corée du Nord constituent une immense tromperie conçue pour cacher aux peuples du monde les réalisations des Nord-Coréens, qui ont réussi à créer leurs propres conditions, leur propre système socio-économique indépendant basé sur les principes socialistes et libres de la domination des puissances occidentales.»
Au cours du séjour de la délégation de Me Black et lors de leurs premiers dîners à Pyongyang, leur hôte, le célèbre avocat nord-coréen Me Ri Myong Kuk, au nom du gouvernement coréen, a déclaré que la force de dissuasion nucléaire de la Corée du Nord est nécessaire au vu des agissements et des menaces des Etats-Unis à son égard. Me Ri Myong Kuk disait, et cela a été répété à Me Chistopher Black plus tard pendant son voyage, lors d’une réunion de haut niveau avec des représentants du gouvernement de la Corée du Nord, que si les Américains signaient le traité de paix et un accord de non-agression avec la Corée du Nord, cela rendrait illégitime leur occupation de la Corée du Sud et entraînerait la réunification de la Corée. Il n’y aurait plus besoin d’armes nucléaires. Il semblerait dire en toute sincérité : «Il est important que des avocats se réunissent pour discuter de cela, car les avocats réglementent les interactions sociales au sein de la société et dans le monde.» Et il a ajouté en toute bonne foi : «Le chemin vers la paix exige l’ouverture du cœur.»
L’avocat Me Ri Myong Kuk, qui parlait au nom de son gouvernement coréen au collectif d’avocats de Me Black, son homologue, semblait sincère dans son désir de paix, et même si ce n’était qu’une apparence, nous pensons qu’il eût été souhaitable de s’entendre sur un programme auquel les deux pays auraient à collaborer ! Nous pouvons donc nous poser légitimement ces questions : «Pourquoi aucun traité de paix et de non-agression n’a-t-il pas été signé à la fin de la guerre alors que cela a toujours été le cas depuis la nuit des temps pour d’autres pays dans la même situation ? Pourquoi la signature tarde-t-elle autant pour la Corée ? Plus de soixante ans, à savoir si un jour il serait signé. A qui cette situation profite-t-elle ? Pourquoi les médias occidentaux n’ont pas relevé ce dysfonctionnement important afin d’éclairer ou d’informer sur la possibilité d’investir dans la paix ? L’équipe de Me Black a bien senti que la Corée du Nord et son peuple aspirent à la paix, à la sécurité comme n’importe quelle nation du monde. Selon Me Black «la population de la Corée du Nord veut continuer à vivre et à travailler sans la perpétuelle menace d’être détruite par l’arme atomique».
Le Conseil de l’ONU a voté une opération de police qui n’est pas conforme aux articles qui régissent le règlement intérieur et le Conseil de sécurité dans lequel est stipulée la présence obligatoire de tous les membres. L’avocat international canadien Me Black et sa délégation d’avocats ont déclaré ceci : «Les Etats-Unis ont profité du boycotts des ex-pays de l’Union soviétiques afin d’organiser un coup d’Etat institutionnel, créant ainsi un passage de force. » L’Amérique, la Chine du Kuomitang, la France, la Grande-Bretagne ont affiché leur volonté de soutenir et voter leur guerre en Corée. Dans l’article 51, en cas d’attaque armée, toute nation a le droit de se défendre. Selon le mémo de Me Black, la plupart des pays européens n’ont aucune idée des destructions massives infligées par l’Amérique et ses alliés à la Corée. L’Amérique et ses alliés ne se sont jamais souciés de la légalité de leurs actions ni de la notion d’Etat de droit. L’objectif était seulement de conquérir premièrement la Corée du Nord et ensuite d’annexer la Mandchourie et la Sibérie. Au cours des vingt premiers mois de la guerre de Corée, le New York Times écrivait que 7 700 tonnes de napalm avaient été lâchées, que des bombes pleuvaient sur Pyongyang. De plus, les civils fuyant le carnage avaient été mitraillés par les avions américains et leurs alliés.
Un volume de bombes plus important a été déversé par les Américains et leurs alliés sur la Corée du Nord que sur le Japon au cours de la Seconde Guerre mondiale. Le major Kim Myong Hwan de la Corée du Nord était le négociateur principal sur la zone démilitarisée de Panmunjon. Au cours d’une rencontre avec la délégation des avocats, il a dit, d’un air plein de tristesse, que ses cinq frères et lui avaient été obligés de faire des rondes sur la ligne de la zone, comme des soldats, à cause de ce qui était arrivé à leur famille. Sa grand-mère était morte l’estomac transpercé par une baïonnette. Son grand-père, quant à lui, avait été accroché à un poteau et torturé. Il s’est adressé à la délégation des avocats en ces termes : «Vous voyez, nous devons nous défendre, nous ne sommes pas contre les Américains. Nous sommes en opposition avec leur politique de guerre et avec les efforts qu’ils déploient à vouloir dominer les autres nations du monde et provoquer des catastrophes contre les peuples.» Une attaque américaine et de ses alliés a déversé de l’essence sur 900 enfants, femmes civiles inclus qui cherchaient à s’en protéger. Le bilan est que tous ont fini carbonisés. Les Coréens ne veulent plus jamais vivre l’occupation américaine. Pouvons-nous le leur reprocher ?
M. A.
(A suivre)
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