Le temps perdu
Par Sadek Sahraoui – Cela fait maintenant 12 jours depuis que le président Bouteflika a annoncé sa décision de rehausser Yennayer, le nouvel an berbère, au rang très valorisant de fête nationale. Contrairement à tous ceux qui pensaient que la réhabilitation du patrimoine amazigh allait sonner le glas de l’unité nationale et provoquer un début de guerre civile, l’initiative du chef de l’Etat a permis, au contraire, de souder davantage les Algériens et d’atténuer de façon considérable le sentiment d’exclusion que ressentais jusque-là de très nombreux Algériens dans de très nombreuses régions. Un sentiment d’exclusion nourrit justement un effroyable déni identitaire.
Il est certain que depuis le 27 décembre dernier, des millions d’Algériens se sentent encore plus fiers d’appartenir à ce bel espace qui s’appelle l’Algérie et qui puise sa force dans près de 4 000 ans d’histoire. Oui, les Maghrébins de façon générale sont un vieux peuple qui a apporté aussi sa contribution à l’histoire de l’humanité. Et nous pouvons tous en être fier.
Avec la consécration de Yennayer comme fête nationale, la boucle est sur le point d’être bouclée. Il ne reste plus à l’Etat algérien qu’à généraliser l’usage et l’enseignement du berbère pour que sa promesse de réhabiliter la dimension amazighe de l’Algérie soit réalisée. En attendant, il faut tout de même reconnaître qu’au plan des textes, le dossier de l’amazighité a évolué à une vitesse grand «V». La question a fait le gros du chemin puisque tamazight est déjà langue nationale et officielle. Il ne reste plus qu’à mettre en musique tout cela. Il semble maintenant que la question est plus du ressort des spécialistes que des politiques.
Tous ceux qui ont exprimé ouvertement ou en catimini leur opposition à l’entreprise de réconcilier les Algériens avec leur culture millénaire peuvent donc aisément remarquer aujourd’hui que la valorisation de tamazight n’a pas provoqué «la chute de Koléa» (un désastre, nda). N’en déplaise à ces personnes qui viennent, d’ailleurs, de perdre là un fonds de commerce politique, l’Algérie en sort même plus forte et plus stable. Positif, en effet, le constat nous amène même à regretter que l’Etat n’ait pas pensé à prendre le problème à bras-le-corps dès les premières années de l’indépendance. Cela aurait sans doute permis à l’Algérie de gagner un temps précieux et d’éviter de nombreux drames. Que de temps perdu inutilement. Mais comme dit l’adage, il n’est jamais trop tard pour bien faire.
S. S.
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