Classement Doing Business : l’Algérie est-elle sciemment rétrogradée ?
Par Meriem Sassi – La démission de l’économiste en chef de la Banque mondiale (BM), Paul Romer, de son poste après la polémique suscitée par ses révélations fracassantes sur le classement Doing Business, est largement reprise par la presse aux Etats-Unis, jetant le trouble sur la valeur réelle de ce classement suivi par les investisseurs.
L’Algérie, qui est souvent mal classée, voire rétrogradée – elle a perdu dix places dans le classement Doing Business pour l’année 2018, se classant au 166e rang sur 190 – malgré les bonnes intentions qu’elle montre et ses tentatives de redresser la barre, pour attirer des IDE, est-elle évaluée à sa juste valeur ? La question se pose au vu des derniers développements.
Paul Romer a en effet confirmé sa décision de quitter ses fonctions avec «effet immédiat», selon la presse américaine, qui cite une note en interne du président du groupe de la BM, Jim Yong Kim. Depuis sa prise de fonctions en 2016, l’économiste en chef était en conflit permanent avec les responsables de la BM sur la méthodologie et la rédaction des rapports produits par cette institution financière internationale. En janvier, il avait accusé l’institution de Bretton Woods d’avoir modifié injustement les indicateurs de son rapport annuel sur le climat des affaires dans le monde pour des motivations politiques.
Dans un entretien accordé le 12 janvier au Wall Street Journal, Paul Romer a admis que les changements de la méthodologie du rapport Doing Business, opérés ces dernières années, ont été motivés par des considérations politiques, citant le cas du Chili dont la notation a été volontairement abaissée depuis l’arrivée au pouvoir de la socialiste Michelle Bachelet en 2014. Le Chili, qui avait enregistré depuis 2010 une progression constante dans le Doing Business, a vu son classement chuter de la 34e place en 2014 à la 57e en 2017 en raison de l’introduction d’un indicateur sur les délais de paiement des impôts par les entreprises, qui a coûté cher à ce pays en matière d’attractivité économique. Ce recul important a été enregistré alors que les conditions économiques du Chili n’ont affiché aucune détérioration, selon l’économiste en chef de la BM. Les auteurs du rapport auraient voulu donner une mauvaise image de la situation économique de ce pays d’Amérique Latine, a-t-il laissé entendre.
La régression du Chili aurait profité au Mexique qui a capté, durant quatre années, l’essentiel des IDE vers l’Amérique Latine. «Je veux m’excuser personnellement auprès du Chili et des autres pays qui auraient pu être affectés par ces changements», a indiqué Paul Romer au Wall Street Journal. Paul Romer, qui s’est exprimé jeudi après sa démission, a indiqué sur son blog que la Banque mondiale, appelée à opérer dans le domaine de la diplomatie, faisait l’objet d’une tension «inévitable» résultant des difficultés de concilier les objectifs diplomatiques et les exigences de la recherche scientifique.
M. S.
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