Fonds monétaire international : le Maghreb est une bombe à retardement
Par Sadek Sahraoui – Le Fonds monétaire international (FMI) craint le pire pour le Maghreb et le Moyen-Orient. Le directeur du département Moyen-Orient de cette institution, Jihad Azour, a prévenu, ce matin à Marrakech, à l’ouverture des travaux d’une conférence régionale sur les réponses à apporter aux «frustrations» exprimées dans certains pays du Maghreb et du Moyen-Orient, des risques de «la montée des tensions sociales et des manifestations dans plusieurs pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord». Il a ainsi insisté sur l’idée que cette montée des tensions «montre clairement que le désir de prospérité, d’équité et d’avenir des habitants de la région reste insatisfait».
Jihad Azour a soutenu qu’il était nécessaire pour éviter une exposition sociale généralisée de procéder sans plus tarder à des réformes. «Les réformes sont essentielles pour régler les problèmes fondamentaux qui minent depuis longtemps de très nombreux pays de la région : croissance faible, chômage élevé et corruption endémique», argumente-t-il dans son analyse, intitulée «Opportunités pour tous». «L’absence de perspectives d’emploi et d’accès à des services publics abordables et de qualité alimente une grande frustration», abonde aussi une note du FMI.
La note en question rappelle que la région affiche des taux d’emploi parmi les plus faibles du monde. Moins d’un adulte sur deux travaille, ce qui découle pour une large part de la faible participation des femmes, selon cette note. «Avec une population composée à plus de 60% de personnes de moins de 30 ans, la région a désespérément besoin d’une croissance plus vigoureuse et de plus d’emplois», d’autant qu’environ 5,5 millions de jeunes arriveront chaque année sur le marché du travail dans les cinq prochaines années, précise encore cette note.
Autre facteur : «Depuis des décennies, de nombreux pays souffrent d’un modèle d’assistanat où le secteur public pourvoit à un cinquième des emplois», souligne M. Azour. Pour le FMI, les réformes prioritaires à mener dans la région portent sur la lutte contre la corruption, la création d’emploi pour les jeunes, l’insertion des femmes dans la vie économique, l’essor du secteur privé, autant de thèmes au programme de la conférence du FMI.
Jusqu’à présent, les réformes menées dans les pays qui, comme la Tunisie, l’Egypte ou la Jordanie, ont bénéficié de récents prêts du FMI, ont surtout porté sur la réduction du déficit budgétaire. Or, la hausse des prix qui a accompagné ces mesures a suscité le mécontentement des populations. En Tunisie, où l’économie a été durement affectée par l’instabilité qui a suivi la révolution de 2011, la dernière loi de finances prévoyant un budget d’austérité, comprenant notamment une augmentation de la TVA, a provoqué des troubles début janvier. Mis en accusation, le FMI s’était alors défendu de vouloir imposer la rigueur en préconisant «des réformes (…) socialement équilibrées».
Autant dire que pour le FMI, la région est une bombe à retardement.
S. S.
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